10 ans après le crash Germanwings : « La CIP, un défi humain et logistique face à un drame d’une telle ampleur »

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  • Publié le 24/03/2025
Guillaume Bance et Sandra Cortini-Connors, agents de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence

Le 24 mars 2015, jour de la catastrophe aérienne de la Germanwings sur la commune Le Vernet dans les Alpes-de-Haute-Provence, une cellule d’information du public (CIP) est activée immédiatement sur décision de la préfète Patricia Willaert. Son but : répondre aux très nombreux appels téléphoniques de la population, des familles, des proches qui veulent avoir des informations.

Guillaume Bance et Sandra Cortini-Connors, agents de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, ont participé à cette CIP il y a 10 ans. Aujourd’hui, ils nous livrent leur témoignage, leur souvenirs empreints d’émotions, dans l’accomplissement de cette difficile mission. 

Il est environ 11 heures du matin, ce 24 mars 2015, lorsque la réunion habituelle hebdomadaire, présidée par la préfète de département Patricia Willaert, en présence de différents services de l’État bascule brutalement. “Au milieu de la réunion, le chef du service départemental d’incendie et de secours s’est approché de la préfète pour l’inviter à quitter la réunion car il y avait une urgence, se souvient Guillaume Bance, juriste au service de la coordination des politiques publiques à la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, au moment des faits. On a compris qu’un événement grave venait de se passer ».

Guillaume Bance, agent de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence
En 2025, Guillaume Bance est chargé du contentieux interministériel au sein du bureau des affaires juridiques de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence. © Ministère de l'Intérieur / M. Napoly

 

Dans le bureau voisin des ressources humaines, Sandra Cortini-Connors était chargée de la paie des agents. « Nous savions juste qu’un avion de ligne avait disparu dans la région, avec un grand nombre de passagers à bord. J’ai tout de suite saisi la gravité de la catastrophe et j’ai proposé mes services pour aider à toute mission utile », se remémore-t-elle.

Progressivement, les agents de la préfecture apprennent que cet avion de ligne s’est écrasé dans la région qui est très montagneuse. La première mission des services de secours fut de rechercher cet avion, identifier le lieu du crash sans avoir davantage d’informations notamment sur les victimes.

Le centre opérationnel départemental (COD) a été activé en préfecture et le soir-même de la catastrophe, la CIP a été ouverte par l’autorité préfectorale selon le protocole prévu” raconte Guillaume Bance. Véronique Caron, sous-préfète de l’arrondissement de Barcelonnette, a pris la tête du poste de commandement opérationnel interservices installé à Seyne-les-Alpes, une commune proche du crash.

Répondre aux appels de la population inquiète

En cas de crise majeure, le préfet de département peut activer une cellule d'information du public, à l’aide de la mise en place d’un numéro national d’information unique (numéro vert), afin d'épauler les différents services de secours qui sont saturés d'appels en provenance de la population (service départemental d'incendie et de secours /SDIS - direction interdépartementale de la Police nationale / DIPN - Groupement de Gendarmerie Départemental /GGD). 
Cette CIP est constituée d'agents volontaires, travaillant dans les différents services de l'État, qui sont mobilisables à tout moment pour venir répondre aux appels de la population inquiète face à un événement de grande ampleur dans le département.

Dans le cadre de la catastrophe aérienne de la Germanwings, le premier défi dans la mise en place de cette CIP fut la logistique car il a fallu équiper très rapidement une salle dédiée en matériel téléphonique et informatique suffisant.

Le deuxième défi fut humain : faire appel au plus grand nombre de volontaires au sein des différents services de la préfecture. « Il y a eu une grande mobilisation des agents pour assurer le fonctionnement de la CIP. Au premier soir de cette situation dramatique, on ne mesurait pas encore l’ampleur de la catastrophe… se rappelle Guillaume Bance. À l’époque, nous n’étions pas spécialement préparés à ce type d’évènement, raconte Guillaume Bance. Mais face à ce drame, tous les agents de la préfecture, très bouleversés, ont fait bloc pour gérer la situation et aider, chacun avec ses compétences, afin de répondre aux appels des familles. Ce fut un mouvement de solidarité spontané. »

Sandra Cortini-Connors, qui s’est portée volontaire immédiatement, rejoint la CIP dès le premier soir. Elle confirme cet élan spontané de solidarité qui a animé tous les agents de la préfecture. « C’était une évidence, tout le monde voulait aider et donner de son temps pour faire face à cette crise. »

Sandra Cortini-Connors, agent de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence.
En 2025, Sandra Cortini-Connors est chargée d'animation et de communication des politiques de sécurité routière au sein de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence. © Ministère de l'Intérieur / M. Napoly

 

Puis vient rapidement le défi organisationnel avec la répartition des volontaires au sein de la CIP, la préparation des plannings avec des équipes tournantes. Une trentaine de personnes va constituer cette cellule, regroupant agents de préfecture et de divers services de l'État. 

Au sein de la CIP, les agents sont chargés d’apporter une réponse fiable et personnalisée, d’accompagner les familles et les proches et d’orienter les appels.

Les agents sont équipés de fiches d’informations vérifiées qui les aident à répondre à tous types d’appels. « Nous avons reçu des appels de familles que nous orientions vers le service du cabinet de la préfète pour une prise en charge spécifique, en lien avec les services de la compagnie aérienne Germanwings, précise Guillaume Bance. Nous avons reçu également des appels spontanés de personnes de tous horizons souhaitant apporter leur aide, dont notamment des hôteliers qui proposaient d’héberger les secours et les familles de victimes. Nous orientions aussi les appels vers des numéros de téléphone spécifiques selon les besoins. »

« Nous avons pris conscience de l’ampleur du cataclysme »

Durant ces trente jours mobilisés au cœur de cette CIP, Guillaume Bance se souvient d’un appel qui l’a profondément marqué. Un parmi des milliers d’appels… « C’était une terrible tragédie durant laquelle nous avons pris la mesure du cataclysme. Je me souviens d’un thanatopracteur qui nous a appelés pour proposer ses services et notamment réaliser des soins spécifiques sur les corps des victimes afin de les présenter convenablement aux familles ».

Quant à Sandra Cortini-Connors, c’est l’appel d’une famille modeste du Vernet qui a marqué sa mémoire et son cœur. « Je me souviens d’une famille qui a appelé pour proposer une chambre disponible dans sa petite maison, alors qu’elle avait très peu de place. Cette famille voulait absolument aider les proches des victimes dans le besoin d’un hébergement, et elle était prête à céder sa maison et à se loger ailleurs ».

En plus des propositions d’hébergement, des personnes ont également appelé le numéro vert de la CIP pour offrir leur services d’interprétariat afin de faciliter la communication entre les services de la préfecture et les familles des victimes issues de 18 nationalités différentes. 

Au sein de cette CIP marquée par ses grandes amplitudes horaires, tous les agents de l’État mobilisés n’ont pas ménagé leurs efforts pour répondre et traiter les appels téléphoniques. « En journée, je restais imperméable aux émotions pour être la plus efficace possible dans mon travail, raconte Sandra Cortini-Connors. Le soir, en rentrant à la maison, j’accusais le coup… Cette expérience à la CIP n’a fait que renforcer mon engagement pour aider les personnes en danger ». C’est ainsi qu’en janvier 2015, Sandra Cortini-Connors a rejoint le service interministériel de défense et de protection civile (SIDPC) de la préfecture, service en charge de la prévention et la gestion des crises. Avant de prendre, quelques années plus tard, le poste de chargée d'animation et de communication des politiques de sécurité routière au sein de la préfecture.

De son côté, Guillaume Bance salue le savoir-faire et l’organisation des services de l’État dans la gestion des crises. « Les leçons tirées et le retour d’expérience nous ont permis de mieux appréhender la CIP mise en place lors de la crise du Covid-19, à laquelle j’ai participé sans hésiter » conclut-il.
 

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