- Mis à jour le 04/02/2025
- Actualités du ministère
- Publié le 31/01/2025

Le 23 janvier 2025, la Mission cinéma proposait une nouvelle session des « Histoires de l’Intérieur » à Nanterre. L’objectif : permettre aux professionnels du cinéma de mieux connaître les métiers du ministère de l’Intérieur pour que les œuvres de fiction soient fidèles à la réalité du terrain. Coup de projecteur sur les missions des forces spécialisées dans la lutte contre les stupéfiants !
Scénaristes, réalisateurs, producteurs… 63 professionnels du cinéma étaient réunis le 23 janvier dans les locaux de la direction nationale de la Police judiciaire à Nanterre en région parisienne pour découvrir les missions des forces spécialisées dans la lutte contre les stupéfiants. Intitulée « La drogue, mère de tous les vices », la rencontre était animée par Sonia Fibleuil, porte-parole de la Police nationale. Des représentants des entités suivantes étaient présents pour évoquer leurs missions quotidiennes :
- l’Office antistupéfiants de la direction nationale de la Police judiciaire (DNPJ) ;
- la Brigade des stupéfiants de la direction de la Police judiciaire de la préfecture de Police de Paris (DPJ - PP) ;
- le pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale (PJGN) ;
- la division des Affaires criminelles et de la Délinquance organisée (DACRIDO) du tribunal judiciaire de Bobigny.
Un fléau international
Le trafic de stupéfiants concerne toutes les régions du monde : les Balkans, l’Amérique du sud, le Moyen-Orient, l’Afrique de l’ouest, les États-Unis, l’Asie… Ces dernières années, il a connu une montée exponentielle avec notamment le développement des drogues de synthèse. Les malfaiteurs qui, dans les années 1980, opéraient dans le vol à main armée ou le proxénétisme, se sont tournés vers le trafic de stupéfiants. Ces organisations criminelles sont plus agiles que jamais. Leur moteur essentiel ? Gagner le plus d’argent possible.
« Aujourd’hui, la drogue est partout. […] En Europe, Anvers et Le Havre sont les principaux ports de passage de drogues. Des milliers de containers arrivent chaque jour. Les trafiquants déposent la drogue derrière la porte du container et la sortent du port. […] À ce trafic, se sont agrégées les cités où des réseaux mafieux se sont développés. Toutes les communes françaises sont touchées par le trafic de stups. »
Riposter face à la menace
Face à la menace que représente le trafic de stupéfiants pour la société, différentes entités travaillent ensemble pour cibler et interpeller les « objectifs », autrement dit les suspects.
« Pour s’attaquer à cette hydre à plusieurs têtes, il y a une grande mobilisation de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale, des douanes, de la Marine nationale. L’OFAST coordonne le travail de ces différents acteurs sur le ‘haut du spectre(1)’. »
Le travail d’enquête doit concilier technique, terrain et renseignement. Sur la base de renseignements, les enquêteurs construisent les dossiers pour identifier les personnes et les moyens, mettre au jour le trafic, interpeller en flagrant délit.
Pour cibler des personnes et ainsi constituer un dossier judiciaire, les enquêteurs utilisent des techniques spécialisées inscrites au code de la sécurité intérieure : balisage, travail technique d'analyse de la téléphonie, sonorisation de véhicules… Dans ce dernier cas, le travail est méticuleux et peut nécessiter de 20 minutes à une heure.
Pour identifier leurs cibles, les enquêteurs de l’OFAST(2) et de la Brigade des stupéfiants de la direction de la Police judiciaire de la préfecture de Police travaillent aussi avec des informateurs. Parmi ceux-ci, certains se présentent spontanément pour donner des affaires. La contrepartie peut prendre différents aspects : documentation administrative, intervention auprès des magistrats, protection, somme d’argent...
« S’il n’y a pas d’informateur, il n’y a pas de renseignement. »
Partout en France, l’offre et la consommation sont devenues massives. Brigade spécifique depuis 1989, la Brigade des stupéfiants est le service sommital de traitement du stupéfiant sur le ressort de la préfecture de Police de Paris. Sa mission consiste à démanteler les réseaux, c’est-à-dire le haut du spectre, mais pas seulement. Une partie de ses missions consiste aussi à analyser les phénomènes nouveaux, comme par exemple l’émergence de la communauté nigériane dans le trafic de stupéfiants en Île-de-France.
« Nous sommes 8 dans le groupe dont un chef et son adjoint, 2 ou 3 brigadiers-chefs et des gardiens de la paix. Le fonctionnement quotidien du groupe est très familial. Les horaires sont variables car les enquêteurs suivent la vie des « objectifs », qui vivent souvent le soir et la nuit. C'est très engageant. »
La science au service de l’enquête
Pour épauler les enquêteurs Police et Gendarmerie, d’autres professionnels entrent en jeu. C’est le cas d’Ambroise, adjoint au chef du département Toxicologie-Stupéfiants de l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) et officier criminalistique. Chimiste de formation, il travaille au laboratoire de recherche où il identifie des produits de saisine afin de déterminer s’ils sont interdits.
Aujourd’hui, de nombreux produits stupéfiants, y compris les nouvelles drogues de synthèse qui émergent depuis une quinzaine d’années, sont constitués de poudre blanche. Les NPS (nouveaux produits de synthèse) sont également fortement consommés sous forme de e-liquide. Il convient donc d’identifier chaque produit avec des appareils de chimie.
La recherche de traces de stupéfiants sur tout type de support permet de mettre en évidence un contact direct entre le support et des stupéfiants. La recherche de traces sur les billets de banque appuie l’implication de ces billets dans un trafic.
Enfin le profilage chimique permet de mettre en évidence des liens entre des saisies de produits stupéfiants. Ainsi, il est possible de relier chimiquement des saisies, ce qui va appuyer le travail des enquêteurs.
Loïc, analyste au Service central de renseignement criminel de la Gendarmerie nationale (SCRCGN), est spécialisé dans le renseignement forensique ou renseignement par la trace, c’est-à-dire les méthodes scientifiques appliquées aux données créées lors des enquêtes criminelles ou d’activités délictueuses.
Par exemple, l’analyse des eaux usées permet d’estimer le nombre de doses consommées dans les villes ou les zones rurales. Dans ce domaine, il est important de combiner les sources : admissions hospitalières, données issues du drug checking(3), analyse des eaux usées, des seringues usagées… La combinaison de ces indicateurs offre une vision plus réaliste et exhaustive du marché des stupéfiants, permettant de mettre en place des actions cohérentes.
Traduire devant la justice
Une fois le compte rendu des enquêteurs réalisé, il appartient au ministère public de diriger l’enquête et de représenter la société à l’audience. Marina, substitut du procureur à la division des Affaires criminelles et de la Délinquance organisée (DACRIDO) du tribunal judiciaire de Bobigny est ainsi en lien avec les enquêteurs tout au long de la journée.
Dans le deuxième tribunal le plus important de France, la section liée au trafic de stupéfiants et à la criminalité organisée est composée de 10 agents qui ont, chacun, un secteur de référence. Le secteur est très touché par les règlements de comptes et les enlèvements avec séquestration liés au trafic de stupéfiants qui implique aussi de plus en plus de mineurs.
(1) Par « haut du spectre », on entend les affaires concernant les plus gros trafiquants, impliquant un niveau de dangerosité élevé. Cela concerne également le démantèlement des réseaux et les affaires les plus complexes et chronophages à mener.
(2) L’Office antistupéfiants (Ofast) existe depuis le 1er janvier 2020. C’est un service à compétence nationale de la direction nationale de la Police judiciaire, chargé notamment :
- de conduire des investigations sur les trafics d’ampleur majeure impactant le territoire national ;
- de coordonner les enquêtes de grande envergure des services répressifs impliqués dans la lutte contre le trafic de stupéfiants ;
- de centraliser et analyser le renseignement criminel ;
- d’établir un état de la menace.
L’OFAST est composé de trois pôles : un pôle opérationnel, un pôle renseignement et un pôle stratégie. Il est dirigé par un contrôleur général de la Police nationale, secondé par un magistrat de l’ordre judiciaire. 200 agents policiers, gendarmes, douaniers, personnels administratifs et officiers de liaison d’autres ministères français et étrangers travaillent au sein de l‘OFAST au 31 décembre 2024.
(3) Le drug checking est réalisé par des associations qui prélèvent une petite quantité de stupéfiants aux consommateurs pour l’analyser dans le but de réduire les risques. L’objectif est de permettre au consommateur de drogues d'accéder aux offres de prévention et de réduction des risques.