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- Publié le 08/02/2021
- Mis à jour le 26/11/2024

La première table ronde du Beauvau de la sécurité s’est tenue le 8 février. Consacrée au lien entre les forces de sécurité et la population, elle a permis aux représentants de la police et de gendarmerie, ainsi qu’aux élus, de questionner ce lien et de proposer des pistes d’amélioration.
Premier débat, le lien avec la population
Gérald Darmanin n’y est pas allé par quatre chemins. En ouverture de cette première table ronde du Beauvau de la sécurité, le ministre de l’Intérieur, accompagné de Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, a affirmé que le lien entre la population et les forces de police et de gendarmerie constituait sans aucun doute la plus importante des questions qui seront abordées lors de ces quatre mois de débats et de consultations.«S’il y a une police et une gendarmerie, c’est parce qu’il y a une population à protéger. S’il y a un État et des fonctionnaires, c’est parce qu’il y a une population à satisfaire et à protéger». Mais interroger ce lien entre la population et les forces de l’ordre ne doit pas, selon lui, nous faire oublier que les gendarmes et les policiers sont représentatifs de toute la diversité de la société. De fait, les difficultés qu’ils peuvent connaître sont bien souvent les mêmes que ceux que rencontre la population.
Ceci posé, Gérald Darmanin a identifié trois difficultés majeures, qui constituent autant de défis pour la police et la gendarmerie. La première concerne la nécessité de se moderniser en permanence, afin de répondre aux évolutions constantes de la société et aux attentes de nos concitoyens. La deuxième difficulté porte sur la communication:«Nous évoluons dans un monde de l’image. Nous la fabriquons, nous la subissons parfois, mais nous devons absolument nous adapter à cette société de l’image telle que nous la vivons, et telle que la population juge les actions des autres». Selon lui, l’enjeu est non seulement de«mieux communiquer sur les efforts, l’efficacité et les résultats de l’administration»pour valoriser notre action, mais également de répondre aux attaques que policiers et gendarmes subissent régulièrement dans certains médias et sur les réseaux sociaux. La troisième difficulté tient au fait que policiers et gendarmes sont, comme le qualifie le ministre, des agents publics urgentistes.«Vous intervenez toujours au moment où tout va mal, dans des endroits difficiles» et, dans ces moments de tension sociale, il est souvent difficile d’avoir une relation stable et apaisée avec la population.
Avant l’ouverture des débats, Jérôme Fourquet, directeur du pôle Opinion et stratégies d’entreprise de l’institut de sondage IFOP, était invité à dresser un panorama de l’image que les Français ont des forces de l’ordre, à partir d’une enquête réalisée par l’institut en janvier dernier. «Six français sur dix expriment de la confiance ou de la sympathie à l’égard des forces de sécurité, et nous constatons une grande stabilité sur ce point depuis dix ans». Cependant, Jérôme Fourquet a relevé trois points négatifs dans l’enquête d’opinion: 27% de la population éprouve de l’inquiétude ou de l’hostilité vis-à-vis de l’institution policière; 42% des sondés considèrent que les violences pouvant émaner des rangs de la police sont structurelles; 39% estiment enfin que les accusations de racisme correspondent à une réalité.«Si l’institution continue de jouir d’un capital de crédit important, certains sujets sont inquiétants et il sera nécessaire de les traiter en terme de communication ou de pratique», a conclu Jérôme Fourquet.
Rebondissant sur les propos du politologue, le directeur général de la Police nationale a tenu à rappeler que de nombreux dispositifs avaient été développés ces dernières années pour améliorer les relations entre la police et la population:«228 délégués police-population ont été installés dans les zones les plus difficiles; 949 groupes de partenariat opérationnel ont été mis en œuvre dans le cadre de la police de sécurité du quotidien (PSQ) aboutissant, en 2020, à la résolution de 703 problèmes locaux; des conventions citoyennes ont été signées avec 491 communes; et des plateformes numériques ont été développées afin de faciliter les démarches du public. Pour autant, nous ne pouvons pas nous en contenter, et il nous faut davantage renforcer cette proximité avec le citoyen, l’usager et l’élu».
Le directeur général de la Gendarmerie nationale a lui aussi insisté sur les efforts réalisés pour rapprocher les gendarmes des citoyens:«La traduction de notre engagement sur les territoires, c’est d’abord une stratégie de transformation de la maison, Gend 20-24, qui entend faire évoluer nos modes d’action et nos outils afin de répondre aux enjeux sécuritaires et aux attentes de la population».
Les débats avec les représentants des gendarmes et des policiers, ainsi qu’avec les élus, avaient été organisés autour de quatre grandes questions: la présence accrue des forces de l’ordre sur la voie publique, le rapprochement avec les jeunes, la valorisation de l’image des policiers et des gendarmes, et les moyens de développer le lien de confiance entre les forces de sécurité et la population.
Les interventions ont cependant montré que ces thématiques étaient bien souvent imbriquées. La question de l’accueil dans les services de police, par exemple, souvent abordée lors de cette matinée, renvoyait tout autant à la question de l’image de la police qu’à celles de l’amélioration des rapports avec le public et du renforcement des policiers sur la voie publique.«La modernisation et la professionnalisation de l’accueil constitue un impératif, selon de nombreux policiers, afin de faire de ces espaces des sanctuaires pour accueillir le public dans les meilleures conditions possibles. Pour ce faire, le métier d’accueil doit être valorisé et professionnalisé».
Cette question de la substitution des policiers par des personnels de soutien a largement alimenté les discussions.«Recentrer les forces de l’ordre sur leur cœur de métier, en les déchargeant des missions périphériques, nécessite, selon certains, un recrutement équilibré entre personnels actifs et personnels de soutien, ainsi qu’une véritable gestion des effectifs et des compétences». La communication apparaissait aussi pour beaucoup d’intervenants comme l’un des meilleurs moyens de rapprocher les forces de la sécurité et les jeunes. Renforcer les contacts directs dans les établissements scolaires, multiplier les actions de prévention, notamment dans le domaine des stupéfiants, constituent, selon eux, des leviers importants en la matière. Le plan d’accueil de 10000 stagiaires et apprentis supplémentaires au sein du ministère de l’Intérieur va également dans ce sens car«elle ouvre la maison police aux plus jeunes de nos concitoyens».
La majorité des élus ont de leur côté insisté sur le rôle primordial des maires et des polices municipales sur le continuum de sécurité.«Renforcer ce lien entre les forces de sécurité et la population, et particulièrement les plus jeunes, reposera sur une équation parfaite entre la police, la gendarmerie, et les maires et les polices municipales qui ont une connaissance fine de leur territoire,a insisté Bruno Pomart, maire de Belflou, dans l’Aude, et président de l’association Raid Aventure,sans oublier le rôle essentiel du monde associatif».
Retrouvez la première table ronde du Beauvau de la sécurité au ministère de l'Intérieur, en présence du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur en charge de la Citoyenneté, Marlène Schiappa.