07.12.2007 - Assemblée des Régions de France

7 décembre 2007

Intervention de Michèle Alliot-Marie lors de la clôture de l'Assemblée des Régions de France à Strasbourg


Monsieur le Président de l'Association des régions de France,
Monsieur le Président Boucherat,
Messieurs les Présidents de région et de Conseils économiques sociaux régionaux,
Mesdames et messieurs,

Dans un monde confronté à autant de défis que d'opportunités, la France a tout à gagner à s'appuyer sur des collectivités territoriales fortes.

Ma conviction est qu'affirmer le pouvoir de nos territoires et moderniser l'Etat relèvent d'une même démarche et d'une volonté partagée de mieux servir notre pays.

Dans la France d'aujourd'hui, la région est le pilote d'un territoire, tandis que l'Etat demeure le garant des grands équilibres.

 Mon ambition est que cet équilibre entre les régions et l'Etat soit la source d'un nouvel élan pour demain.

La région est désormais le pilote d'un territoire, dont l'Etat doit rester le garant des grands équilibres

Les régions ont le goût et la force d'entreprendre.

Trente-cinq années se sont écoulées depuis que le Président Pompidou a créé les régions comme collectivité territoriale, et bientôt 5 années depuis que la Constitution de notre pays les a pleinement reconnues.
C'est un temps bref à l'échelle de notre histoire. En pourtant, dans cette période, vous avez fait la preuve de votre capacité à répondre aux sollicitations des Français, des entreprises, des collectivités, à anticiper même les attentes, à créer des opportunités de développement.

C'est vrai d'abord dans le domaine des compétences décentralisées.
Reconnaissons-le : la politique des transports ferroviaires menées par les régions est une réussite.

Les trains express régionaux (TER), neufs et modernes, qui sillonnent nos régions, sont une illustration de l'investissement des régions depuis 2002.

Le réseau des TGV bénéficie souvent d'une contribution financière importante des régions. Monsieur le Président Zeller, je connais le soutien majeur qu'a apporté la région Alsace pour que le TGV Est soit inauguré cette année.

Chef de file d'un territoire, vous y jouez réellement un rôle de pilote.

Lorsqu'elle met en place des formations professionnelles qualifiantes, lorsqu'elle rapproche les filières des lycées professionnels avec les entreprises, la région crée les synergies au-delà de son champ d'action propre. Elle joue un rôle moteur dans l'économie locale au bénéfice de tous.

Depuis 2002, avec les régimes d'aides directes aux entreprises qui relèvent directement de ses compétences,  la région se place comme le chef de file des interventions économiques sur un territoire. La région est le référent des autres collectivités pour le soutien au tissu économique local.

Votre rôle de coordination s'étend aux compétences de l'Etat. En effet, en 2007, 23 régions ont adopté un "schéma régional de développement économique", qui leur permet, par expérimentation, d'attribuer aux entreprises des aides qui relevaient auparavant de l'Etat.

Cela ne signifie pas que l'Etat doive se désengager de toute initiative.

Je ne crois pas qu'il faille passer d'un extrême à un autre, d'un modèle jacobin centralisateur à un fédéralisme qui n'est pas notre identité.

Au contraire, le rôle de l'Etat est d'autant plus important que les collectivités territoriales sont enfin reconnues à leur juste place et que leur relation s'épanouit dans un climat de confiance.

L'Etat est le garant du développement de chaque territoire. Nous avons besoin d'une cohésion, d'une aide pour chacun et donc d'une cohérence entre tous.

L'évolution des "contrats de plan" en "contrats de projet" entre l'Etat et les régions, est porteur de sens.

Les 26 contrats qui ont été signés pour la période de 2007 à 2013 représentent pour l'Etat un engagement de près de 13 milliards d'euros. Leur rôle est aussi de prendre en compte les difficultés propres à chaque région, pour apporter une solution de développement adaptée, concertée avec les régions.

L'Etat a aussi un rôle plus global que chacun ne peut pas mettre en œuvre séparément.

Il est le garant de l'équilibre de nos finances publiques. Maîtriser la dépense publique est aujourd'hui une exigence pour tous, à l'égard de nos engagements européens et aussi de nos enfants. Un effort collectif est donc essentiel.

Au-delà de ce rôle de garant des grands équilibres, l'Etat est aussi un stratège. Il doit éclairer, préparer l'avenir, fédérer les énergies au plan national.

Lorsqu'il prend l'initiative d'ouvrir un Grenelle de l'insertion, le Gouvernement rassemble les forces de toutes les collectivités. Les départements, bien sûr, qui ont un rôle éminent dans l'action sociale.

Mais comment mener une politique d'insertion efficace sans les régions ? Vous êtes au cœur de la politique de l'emploi, vous êtes les pivots de la formation professionnelle. Orienter les personnes en difficulté vers l'emploi se fera avec l'appui des régions.

L'Etat joue pleinement son rôle lorsqu'il rassemble tous les acteurs concernés pour le bien commun.

L'Etat joue son rôle d'impulsion lorsqu'il crée des synergies locales. Les pôles de compétitivité, labellisés par l'Etat, dynamisés par les collectivités, sont une composante majeure de la stratégie industrielle de la France.

Plus que jamais, l'incitation et la coordination qui relèvent de l'Etat vont de pair avec l'affirmation des initiatives et des libertés locales.

Mon ambition est de faire de cette coordination, de ce cadre rénové, la source d'un nouvel élan.

Pour cela, il faut clarifier l'architecture des responsabilités publiques.

Il faut le faire avant toute nouvelle étape de la décentralisation. C'est une exigence pour nos concitoyens. Ils ont besoin d'identifier qui fait quoi. C'est une nécessité pour l'efficacité de l'action publique.

Il faut donner à chacun le rôle le plus efficace dans chaque domaine, le plus utile au service de l'intérêt général.

Les réflexions sont nombreuses depuis 6 mois pour proposer une clarification des compétences de chacun. M. le Président Rousset, je sais que vous y avez pris une part active.

Le rapport de M. Alain Lambert, qui est remis ce matin-même au Premier ministre, présente des propositions audacieuses. Il n'hésite pas à évoquer la remise en cause de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, ce qui revient à une spécialisation accrue des compétences par niveau de collectivités.

Je considère que c'est un vrai sujet de réflexion, qui peut aider à mieux identifier des blocs de compétence.

Ma conviction est qu'il n'y a pas un échelon de trop. Chaque collectivité a son identité, les unes relevant plus de l'affectif, les autres de la rationalité. L'avenir se fera avec les régions. C'est la taille de la compétitivité.

Je pense même que nous devons avoir une réflexion sur la taille de nos régions. Les régions qui sont volontaires puissent se regrouper, voire fusionner. Pour certaines d'entre elles, cela a du sens au regard de leur histoire et de leur identité. 

Relever les défis de la France de demain suppose de s'en donner les moyens.

Plusieurs défis dépassent largement nos frontières. Je n'en citerai que quelques-uns.

Celui du développement durable est une nécessité aujourd'hui reconnue. Les régions œuvrent beaucoup pour l'environnement : le budget que vous y consacrez augmente de 20% par an.

Le Grenelle de l'environnement doit permettre de mieux coordonner nos actions dans ce domaine. Ce grand débat a été un exemple de participation démocratique, qui a fortement mobilisé les élus, les professionnels, la société civile. Il est essentiel pour le bien-être des Français et de nos enfants. Nous devons continuer à œuvrer en ce sens, pour appliquer ce qui a résulté de cette concertation.

L'affirmation de l'Europe est un second défi. Les régions y ont toute leur place. Pour les régions françaises et leurs homologues européens, c'est une chance pour engager des actions de partenariat.

Ma conviction est que la dimension européenne est bien implantée dans l'action des collectivités, et en particulier dans celle des régions.

"L'Eurorégion" Pyrénées-Méditerranée en est un exemple récent : elle est  un instrument de coopération transfrontalière qui permettra une coordination dans la gestion des fonds structurels.

Mon ambition est que nous nous donnions les moyens de relever ces défis.

A cet égard, la coordination entre tous les acteurs publics est une exigence. C'est l'objectif même de la Conférence nationale des exécutifs, mise en place par le Premier ministre et le Gouvernement au mois d'octobre dernier.

Les collectivités territoriales y sont reconnues comme de véritables partenaires de l'Etat. Ensemble, nous préparerons les politiques publiques qui vous concernent.

J'ai souhaité que la concertation entre les collectivités territoriales et l'Etat porte tout particulièrement sur les normes. Notre réglementation est trop souvent un carcan qui bride les initiatives ou génère des coûts pour les collectivités.

C'est pourquoi j'ai décidé de mettre en place une Commission consultative sur l'évaluation des normes au sein du Comité des finances locales.

Elle sera le lieu où les collectivités seront associées, en amont, à l'élaboration des textes réglementaires. C'est essentiel pour identifier l'impact financier que peuvent avoir les normes sur les collectivités territoriales.

La réforme de la fiscalité locale est également une exigence pour que les collectivités aient les moyens de relever les défis à venir. Les ressources des régions dépendent aujourd'hui pour une large part des transferts de l'Etat.

Votre Association, avec l'Association des maires de France et l'Assemblée des départements de France, a proposé des pistes de réforme il y a quinze jours.

Nous allons ensemble les étudier, en ayant conscience que les intérêts des uns et des autres sont souvent contradictoires et qu'il va falloir arbitrer.

Une concertation approfondie et sincère, une attitude de vérité de l'ensemble des protagonistes, y compris l'Etat, permettra à ce chantier ambitieux et complexe d'aboutir. Les Français, qui sont aussi des contribuables, attendent de nous tous d'avoir une fiscalité locale comme nationale plus transparente et plus responsabilisante.

Ma conception de la politique que nous devons mener pour la France, c'est celle qui unit les volontés de chacun pour la réussite de tous.

L'Etat a naturellement un rôle à jouer – et il ne se désengagera pas de ses responsabilités – pour libérer les énergies, pour inciter à la réussite, pour coordonner les efforts.

Les régions ont un rôle à affirmer, comme fédérateur des initiatives locales et comme acteur à l'échelle nationale et européenne.

Je suis convaincue que ce nouvel équilibre républicain sera le gage d'une démocratie locale renouvelée, dynamique et ambitieuse.