21.11.2007 - Congrès de l'AMF

21 novembre 2007

Intervention de Madame le Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales lors du congrès de l'association des maires de France


Monsieur le Président de l'AMF,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Maire de Paris
Mesdames et Messieurs les Maires,

Pour les Français, la République a un visage : ce visage, c'est le vôtre.

Les mots ont un sens : pour chacun d'entre nous, la commune est la première communauté politique dont nous éprouvons concrètement l'existence ; elle est le territoire géographique et symbolique sur lequel nous nous découvrons citoyens. N'est-ce pas d'ailleurs sur les bancs de ce que l'on appelait autrefois la communale que se fait le premier apprentissage de la citoyenneté ?

Les maires sont les élus dont les Français connaissent le mieux la personnalité, ceux à qui ils peuvent dire leurs inquiétudes et leurs espoirs, ceux à qui ils s'adressent pour résoudre leurs problèmes d'emplois, de logements et même parfois, vous le savez bien, leurs problèmes privés.

Le Président de la République et le Premier ministre, tout comme une proportion notable des responsables politiques de notre pays, avons à notre actif une longue pratique de la gestion municipale. Les problèmes que vous rencontrez, les contraintes qui pèsent sur votre action, les difficultés et parfois les doutes qui sont les vôtres, nous les connaissons, nous les comprenons. Dans les mois et années à venir, je serai à vos côtés pour vous soutenir, vous aider à accomplir votre tâche, trouver avec vous les meilleures solutions.

Lorsque l'Association des Maires de France a été créée, voilà un siècle, il s'agissait, pour les maires des plus grandes villes de France, de défendre leurs prérogatives face à l'Etat central. Nous n'en sommes plus là. Votre association rassemble la quasi totalité des 36600 maires de France. Elle est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.

Je souhaite que nos rapports reposent sur la confiance liée au respect réciproque, à la compréhension des besoins différents des uns et des autres, au souci commun de mieux servir nos concitoyens.

Comme le Président de la République et le Premier ministre me l'ont demandé, je veillerai à ce que la commune puisse, de même que les autres collectivités, exercer ses compétences « de manière plus libre, plus efficace et plus simple ». Y compris en impulsant, quand elles me sembleront nécessaires, des évolutions réglementaires ou législatives.

La nécessaire fermeté sur les principes doit aller de pair avec un très grand pragmatisme dans leur mise en œuvre. 
Quelle que soit sa taille, la commune est le partenaire indispensable de l'Etat, comme l'Etat est un partenaire indispensable de la commune. Notre complémentarité est le gage de notre efficacité au service des citoyens. 

Rapprocher la décision du citoyen : l'objectif de la décentralisation a largement été atteint. Mais le transfert de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales est un processus évolutif, où les élus comme les citoyens ont parfois du mal à savoir qui est responsable de quoi. Une enquête récente de l'Observatoire de la décentralisation fait apparaître une demande de stabilité et de lisibilité.

Il est temps de marquer une pause, d'évaluer ce qui a été fait jusque-là, de permettre à chacun de prendre ses marques dans le nouvel équilibre, de revenir le cas échéant, sur les dispositions qui se sont révélées problématiques.

Une fois cette réflexion menée, il sera vraisemblablement nécessaire d'inscrire le partage des responsabilités dans une loi organique à laquelle chacun pourra se référer.  

Qu'ils vivent dans une métropole ou dans un village, les citoyens ont un droit égal à un service public de qualité. Il revient à l'Etat de veiller à l'égalité de traitement entre les communes, par la complémentarité entre ses agents et ceux des autres collectivités.

L'égalité ne signifie pas l'uniformité. La diversité des situations doit être prise en compte.

Le service public peut-il être assuré selon les mêmes modalités dans une commune d'outremer et dans une ville de région parisienne, en haute montagne et dans un village ? A l'évidence, la réponse est non.

La décentralisation a permis aux villes les plus importantes de développer leur capacité d'initiative au service de leurs habitants.

En revanche, on n'a pas assez tenu compte des difficultés particulières des communes de taille modeste. Pour elles l'autonomie accrue s'est aussi traduite par de nouvelles servitudes, des difficultés amplifiées, un écart grandissant avec les villes à moyens d'actions, financiers matériels et humains, sans proportion.

Les services de l'Etat doivent jouer un rôle pour remédier à cette inégalité. Les petites communes doivent pouvoir se tourner vers eux lorsqu'elles ne disposent pas de services suffisamment étoffés. Il faut aussi assouplir certaines obligations réglementaires pour les communes de petite taille, ou leur apporter un soutien juridique.

D'une façon générale, la souplesse doit être notre préoccupation permanente. Ne nous interdisons rien. L'important est que chaque situation particulière trouve une réponse adaptée, pragmatique, de bon sens.

La liberté des collectivités se conjugue au quotidien avec la coopération avec l'Etat.

Le domaine de la sécurité en est un bon exemple. Le maire y joue un rôle essentiel, il est non moins essentiel qu'il travaille en bonne intelligence avec les services concernés. L'action des Conseils locaux de Sécurité et de prévention de la Délinquance, à l'évidence, contribue à faire reculer celle-ci, à la grande satisfaction de nos concitoyens. 

Je connais la méfiance qui existe parfois à l'égard des administrations ou de certaines d'entre elles. Les services de l'Etat ne sont là ni pour jouer les censeurs, ni pour se muer en bureaucrates tatillons entravant votre action ou grignotant vos prérogatives. Leur rôle et leur ambition doit être de vous aider à assurer vos missions au service des citoyens, dans le respect de la loi et de l'intérêt général. C'est souvent le cas.

Le constat d'aujourd'hui conduit à dire que des aménagements sont nécessaires pour rendre les relations encore plus fluides.

La dématérialisation doit simplifier et accélérer le contrôle de légalité. Il doit être conçu d'abord comme un conseil, une aide. L'avènement de la « société en réseaux » permet de repenser la relation entre le citoyen et les institutions, qu'elles soient locales ou nationales, et aussi entre les différentes institutions.

Les pistes de réflexion sont nombreuses pour inventer ensemble les meilleurs moyens d'être au service de nos concitoyens.

Les Français, Mesdames et Messieurs les Maires, attendent beaucoup de vous – de plus en plus. Vous devez disposer de moyens adaptés à des missions de plus en plus complexes. Les contraintes qui pèsent sur votre action doivent être réduites au strict nécessaire.

Alléger les contraintes est impératif si l'on ne veut pas affronter un jour une crise des vocations. Le président de la Cour des Comptes, ancien maire d'Epinal, Philippe Séguin déclarait récemment : « On ne peut se lancer dans la carrière municipale que par ignorance».

Sans aller jusque là, reconnaissons qu'un nombre croissant –et souvent excessif – de règlementations et de procédures finissent par décourager l'initiative. Les risques judiciaires qui menacent tout maire freinent l'enthousiasme de l'action.

Le principe de précaution est une chose, l'asphyxie normative en est une autre.

Vous êtes bien placés pour savoir à quel point la réalisation d'un équipement ou la construction d'un bâtiment peuvent prendre l'allure d'une course d'obstacles.

J'ai donc souhaité mettre en place des dispositifs de concertation avec les collectivités territoriales. Elles y feront valoir leur point de vue avant l'adoption de tout nouveau texte susceptible d'avoir des répercussions pour elles. C'est le rôle de la Conférence nationale des exécutifs. Ce sera aussi celui de la Commission consultative sur l'évaluation des normes placée auprès du Comité des Finances locales.   

Par ailleurs, j'entends alléger les risques qui pèsent sur les élus dans deux domaines qui vous tiennent à cœur.

Le premier est celui de la responsabilité pénale.

Comment justifier qu'un maire puisse être traduit devant le tribunal correctionnel pour un accident survenu le lendemain de son élection ? Comment tolérer que dans un contexte de juridicisation croissante de la vie publique, le droit soit instrumentalisé à l'appui de rivalités politiques ?

A l'initiative du sénateur Fauchon, la loi du 10 Juillet 2000 a contribué à limiter le champ de la responsabilité pénale en ce qui concerne les infractions non-intentionnelles. Je m'en réjouis. Qui ne voit qu'il est cependant nécessaire d'aller plus loin pour certaines infractions qualifiées d'intentionnelles par le législateur, mais qui en réalité ne le sont guère ?

Je pense notamment à la commande publique, où la responsabilité du chef de favoritisme et de prise illégale d'intérêt ne correspond pas forcément à une intention frauduleuse.

En ce qui concerne le favoritisme, je souhaite un déclassement du délit en contravention pour les marchés inférieurs à 210 000 Euros quand les élus sont de bonne foi et qu'il 'agit d'une simple erreur matérielle ou procédurale.

En ce qui concerne la prise illégale d'intérêt, je souhaite éviter qu'un maire puisse être condamné à l'occasion de l'octroi de subventions accordées en toute transparence à une association qu'il préside, en l'absence de tout enrichissement personnel avéré.

Rachida DATI à crée un groupe de travail consacré au droit pénal économique et à ses évolutions. Il est nécessaire que dans ce cadre, la responsabilité pénale des décideurs locaux soit évoquée. J'ai donc demandé d'être associée à ces réflexions.

Autre domaine dans lequel il est possible de réduire les contraintes qui pèsent sur les élus : celui de la gestion des personnels.

Le statut de la fonction publique territoriale, qui protège à juste titre ceux qui servent les collectivités, est parfaitement adapté aux régions, aux départements, aux villes d'une certaine taille. Mais là encore, il est indispensable de prendre en compte la spécificité des petites communes.

Les moyens, ce sont aussi les moyens financiers Beaucoup d'entre vous ont le sentiment qu'ils doivent faire face à de nouvelles missions sans bénéficier de nouvelles ressources.

Les attentes des Français sont exponentielles. Les ressources financières des collectivités et de l'Etat ne le sont pas.

Ce qui est important ici aussi, c'est d'avoir une visibilité, des perspectives, et de comprendre les contraintes de l'autre.

Les collectivités locales reçoivent un quart des dépenses de l'Etat, soit 72 milliards d'€.

Quand l'Etat doit assainir sa situation financière, les collectivités participent naturellement à l'effort collectif. En revanche, elles ont besoin de temps pour s'adapter.

C'est pourquoi j'ai tenu à ce que contrairement aux autres dépenses de l'Etat, la DGF connaisse, pour cette année encore, une progression correspondant à l'inflation majorée de 50 % du taux de croissance du PIB, soit 2,08 %. Cela correspond à une augmentation de 817 millions d'euros. Plus de la moitié de cette somme reviendra aux communes.

Cela permettra ainsi de maintenir l'effort de solidarité à travers la péréquation et même de l'intensifier avec la création d'un fonds de soutien aux collectivités victimes de catastrophes naturelles.

Je veillerai parallèlement à ce que l'on n'impose pas aux collectivités une norme de progression des dépenses qui serait contraire à leur libre administration. 

Mais il vous faut sur le long terme de la visibilité. La réforme de la fiscalité locale interviendra pendant la législature. Elle permettra de développer vos outils propres pour attirer les investissements et de limiter les charges pesant sur vos administrés.

Le pragmatisme et la souplesse pour répondre aux attentes de nos populations, c'est aussi une intercommunalité bien comprise. Certes, dans un pays qui non seulement compte des centaines de fromage, mais abrite aussi des dizaines de milliers de clochers et parfois l'esprit du même nom, aucune commune n'entend renoncer à sa propre personnalité.

La commune est la collectivité du cœur. Elle le restera.

L'intercommunalité est un choix rationnel qui permet de faire à plusieurs ce que l'on ferait moins bien seul. Sur ce terrain, encore, c'est l'intérêt des citoyens qui doit vous guider. Il s'agit, là encore, de faire en sorte que les regroupements ne soient pas un carcan mais un cadre souple répondant aux besoins.

Ainsi une commune devrait-elle pouvoir s'associer avec différents partenaires en fonctions des domaines concernés.

Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les Elus,

Dans la période de bouleversement que nous vivons, les liens anciens que sont les attachements locaux se conjuguent avec d'autres affiliations, le rapport au territoire se fait plus mouvant.

Et pourtant, la commune et son maire demeurent un élément central de l'identité politique de nos concitoyens. 

Contrairement à ce que prétendent les apôtres d'un monde sans frontières, la mondialisation ne fera disparaître ni les villes, ni les nations - ces constructions humaines sédimentées par des siècles d'histoire commune.

Le temps des décisions descendant du centre à la périphérie est révolu. D'où l'importance de votre mission, mais aussi sa complexité croissante.

Dans cette configuration nouvelle, vous devez, plus que jamais, être les défenseurs de l'intérêt général.

Soyez convaincu que l'Etat n'est pas votre adversaire, mais votre allié. Vous avez besoin de lui. Il a besoin de vous.

Vous pouvez compter sur moi, comme je sais que je peux compter sur vous.