Erwan Le Coquil, technicien de police technique et scientifique à la section dactylotechnie du Service Régional d’Identité Judiciaire de la Préfecture de Police

Erwan Le Coquil, technicien de PTS à la section dactylotechnie du SRIJ de la PP
9 novembre 2016

"Il est 22h30 ce soir-là quand mon portable sonne. Le service m’annonce que des attentats sont en cours sur Paris ainsi qu’à Saint-Denis et ont déjà fait des dizaines de morts. Tous les effectifs sont rappelés. Moins d’une demi-heure plus tard, nous sommes au service, afin de nous équiper et de préparer le matériel. Les équipes sont constituées et j’apprends que nous sommes affectés au Bataclan, dès lors nous nous mettons en route.

L’assaut a été donné, la BRI et le Raid sont encore sur place. Avant de pénétrer dans les lieux, nous attendons que le service du déminage finisse son travail. Nous avons tous revêtu  nos combinaisons blanches et attendons dans l’entrée du Bataclan que les groupes soient formés. Composé de deux ou trois personnes du service enquêteur et de techniciens, chacun de ces groupes se voit assigner une zone de travail. Le balcon de la salle de spectacle m’est attribué. On nous annonce 60 puis 70 puis 80 morts. Nous nous attendons forcément à une scène de crime hors-norme.

Plus de treize heures sur la scène de crime

En entrant dans le Bataclan à 0h30, nous sommes effectivement confrontés à une situation terrible. Nous sommes obligés de faire constamment attention à l’endroit où nous posons les pieds pour ne pas buter dans un corps ou piétiner des éléments. Je rejoins le balcon et commence mon travail : prélèvement et conditionnement d’éléments balistiques et biologiques, puis remise au service enquêteur. Nous nous concentrons sur les éléments qui permettent à la fois d’identifier les victimes et, pour les besoins de l’enquête, les terroristes. Sur ce point, le recueil des empreintes digitales et palmaires est primordial. C’est d’ailleurs sur le balcon que nous avons retrouvé une main gauche qui a permis, après analyse, d’identifier l’un des terroristes, Samy Amimour. Il y a tellement d’éléments à prélever que nous travaillons plus de treize heures sur la scène de crime.

Les conditions de travail sont extrêmement difficiles. Pour faire abstraction de ce que l’on voit et ne pas commettre d’impair, il est indispensable de se focaliser sur sa mission : regarder, rechercher, noter, relever, ne rien oublier. Le fait de travailler en groupe, de parler avec ses collègues permet également un tant soit peu de faire abstraction de l’environnement.

À 13h30 je termine mes investigations et quitte les lieux. Je rentre chez moi dans l’après-midi et, à 23h, je suis rappelé pour intervenir sur l’un des véhicules utilisés par les auteurs des attentats. J’y travaille jusqu’à 11h00 le lendemain matin.

Le 18 novembre, je suis à nouveau appelé pour travailler à Saint-Denis, après l’assaut du RAID dans l’appartement où se trouvait Abdelhamid Abaaoud. Nous travaillons sur toute la partie extérieure, où de nombreux éléments, dont des parties de corps, ont été retrouvés suite à l’explosion. Le travail y est moins difficile qu’au Bataclan et se rapproche davantage de ce que nous avons l’habitude de faire sur une scène de crime classique.

Cela fait 19 ans que je fais ce métier, mais il faut bien admettre que cette année 2015 fut particulière pour les techniciens de scène de crime du service.