Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) adopte neuf nouvelles recommandations à l’attention du Gouvernement

  • Archivé le 29/01/2024
  • Communiqués de presse
  • Publié le 29/11/2022
  • Mis à jour le 29/01/2024
véhicule et cycliste sur une route

Le CNSR, instance regroupant l’ensemble des parties prenantes de la sécurité routière avec pour mission de formuler des avis et recommandations au Gouvernement, s’est réuni le 28 novembre 2022 en séance plénière. Présidé par Yves Goasdoué, maire de Flers, le CNSR a adopté neuf recommandations dans l’objectif de lutter encore plus efficacement contre l’insécurité sur les routes.

Neuf recommandations

Recommandation n°1

Médicaments et conduite

La consommation de certains médicaments induit des comportements à risque élevé avec la conduite. Plusieurs pistes sont proposées pour une formation ciblée des praticiens, pour une communication renforcée sur des mises en garde adaptées à chaque patient, pour un développement de la recherche sur les effets des médicaments sur l’accidentalité, et pour limiter les prescriptions au strict nécessaire pour certaines molécules (benzodiazépine notamment).

Recommandation n°2

L’indispensable reconnaissance des blessés

Toutes les conséquences d’un accident corporel doivent être visibles du grand public et de la sphère médiatique. Or les données relatives aux blessés de la route et de la rue (65 000 blessés graves chaque année) ne percent pas, occultant ainsi la réalité de l’impact individuel et collectif pour les victimes et leurs proches.

Face à ce constat, il importe d’engager des actions pour renforcer l’information et la prise en considération des blessés victimes de l’insécurité routière en :

  • élargissant les indicateurs relatifs aux blessés pour prendre en compte leurs souffrances dans la durée et en traduire l’impact individuel (durée d’hospitalisation, perte salariale, handicaps, stress post-traumatique...) et collectif pour la société (coût global des soins, journées de travail perdues, réponses pénales, indemnisation des assureurs…),
  • intégrant les blessés de manière soutenue dans la communication institutionnelle,
  • rendant la parole des blessés plus audible et médiatique, leurs témoignages contribuant à leur reconstruction, et parce qu’ils sont aussi des vecteurs de sensibilisation particulièrement efficient pour tous les usagers de la route.

Recommandation n°3

Stratégie de mobilisation des branches professionnelles sur le risque routier

Le risque routier est un risque professionnel majeur, qui demeure la première cause des accidents du travail. Il convient d’agir au niveau le plus pertinent pour développer des actions de prévention spécifiques aux secteurs d’activité identifiés comme étant prioritaires. Seule une analyse fine de l’activité en lien avec la branche professionnelle concernée (sinistralité, métiers concernés, typologie des entreprises, indicateurs clés de l’activité, contexte socio-économique,…) permet de construire des messages et des actions de prévention pertinents et percutants, notamment à l’attention des PME/TPE et artisans. Pour inciter ces entreprises à agir concrètement contre ce risque, un plan d’action est proposé pour mobiliser au niveau territorial les organisations professionnelles, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics.

Recommandation n°4

Infrastructures et usagers vulnérables

Les usagers vulnérables (piétons, cyclistes, usagers deux-roues motorisés…) sont davantage exposés aux risques liés à des défauts de conception et d’entretien des infrastructures où ils évoluent. Ces infrastructures qui relèvent très majoritairement des collectivités territoriales, appellent des aménagements spécifiques propices et adaptés pour ces usagers. Pour garantir un niveau de sécurité optimal, il est proposé une série de mesures pour inciter les collectivités à aménager leurs infrastructures selon les règles de l’art édictées par le CEREMA, centre technique qui fait référence en ce domaine au plan national. Cette approche suppose également que les collectivités et leurs prestataires puissent se former pour acquérir ces compétences et qualifications en matière d’aménagements propres aux usagers vulnérables. Un meilleur suivi de la connaissance des accidents impliquant ces usagers doit accompagner le dispositif, par le développement des observatoires locaux de l’accidentalité et la réalisation d’audits de sécurité.

Recommandation n°5

Mieux prévenir, dépister et intervenir contre la conduite sous influence (alcool et stupéfiants)

La conduite sous l’influence de l’alcool et des stupéfiants est un enjeu majeur de sécurité routière. Ces substances modifient notablement les comportements et majorent considérablement les risques d’accident (la part des conducteurs alcoolisés dans les accidents mortels demeure constante à 30 % depuis +10 ans et, dans ces accidents, 20 % des conducteurs sont positifs aux stupéfiants). Une lutte plus efficace suppose de développer la recherche pour détecter plus facilement et rapidement ces conduites sous influence. La récidive des conduites sous alcool reste forte, le recours aux éthylotests antidémarrage (EAD) doit devenir systématique dans ce cas. L’EAD doit être promu et développé en prévention primaire pour équiper certaines flottes (entreprises, location, transports de personnes non encore concernés…).

Recommandation n°6

Évaluer, prévenir et réduire les blessures psychologiques

Au-delà des atteintes physiques, l’accident est source de multiples blessures psychologiques pour les blessés de la route et leurs familles (stress post-traumatique, bouleversement de l’image de soi, atteinte de la concentration, effets sur les capacités de travail et les relations avec autrui…). L’évaluation, la prise en charge et le traitement de ces blessures ne sont pas appréhendés à la hauteur de leurs enjeux et effets persistants.

Il importe d’accompagner les blessés et leurs proches, immédiatement après l’accident, puis dans la durée, pour en faire les premiers acteurs de leur reconstruction. Un parcours doit être construit à chaque étape clef, depuis la prise en charge psychologique jusqu’à l’indemnisation des préjudices. Pour y parvenir, il est proposé de repenser une charte d’accueil des victimes à diffuser auprès de forces de l’ordre et des établissements de santé, de désigner par département un référent pour coordonner les autorités intervenant et organiser la gestion logistique et matérielle d’accompagnement, de mettre à disposition des victimes un guide précisant leurs droits et indiquant les structures pouvant leur apporter aide et soutien.

Recommandation n°7

Pour des infrastructures urbaines propices aux déplacements de tous les usagers

En milieu urbain cohabitent toutes les catégories d’usagers qui évoluent dans un espace public dense et contraint. Plus qu’ailleurs il importe que les infrastructures de déplacement soient conçues, aménagées et entretenues avec une attention particulière et dans les règles de l’art.

La recommandation envisage, en concertation avec les usagers, de promouvoir des chartes d’aménagement de la voirie à l’échelle des villes et agglomérations. Sur la base de ces chartes, les gestionnaires de voirie s’engageront pour garantir un degré de sécurité élevé dans l’aménagement et la cohérence multimodale de l’espace public (objectifs de sécurité routière concertés et déclinés dans des programmes d’action et de travaux, cartographie des accidents, audits d’inspection des réseaux…). En échange de ces engagements, les collectivités pourraient bénéficier d’abondements des dotations financières de l’État.

Recommandation n°8

De la bonne utilisation des aides à la conduite

Les dispositifs d’aide à la conduite se généralisent sur l’ensemble du parc de véhicules (régulateur et limiteur de vitesse, freinage d’urgence, détection frontale et latérale d’usagers ou d’obstacles…). Ces aides sont conçues pour assister le conducteur dans différentes situations de conduite, sans pour autant se substituer à sa vigilance. Elles sont multiples et hétérogènes, selon les marques et les modèles, d’où la nécessité d’assurer une parfaite traçabilité de chacune de ces aides (caractéristiques et potentiels techniques) dès la livraison d’un véhicule. L’utilisation de ces aides n’est pas intuitive, elle peut induire des pertes de vigilance ou un sentiment de sur-confiance. En cas de mauvais usage, elles génèrent des effets pervers source de risques et d’accidentalité. Face à ce constat, il importe de concevoir des campagnes et modules de sensibilisation, de communication sur ces précautions d’usage. Surtout il faut informer et former les conducteurs à la bonne utilisation de ces aides lors des formations initiales à la conduite, dans les modules post-permis ou à l’occasion de la prise en main d’un nouveau véhicule dans le cadre professionnel ou privé.

Recommandation n°9

Mieux lutter contre l’usage du téléphone en circulant, un distracteur qui piège

L’usage du téléphone crée un sur-risque lié à son fort effet distracteur. La dangerosité existe indifféremment du mode d’usage (tenu en main avec utilisation des écrans smartphone ou vocal, ou main libre) et du mode de déplacement (voitures, deux-roues motorisés, vélos et même piétons) car son usage entraîne « une compétition d’attention » par phénomène de double tâche. Le téléphone est impliqué dans 10 % des accidents corporels. Une information claire et objective doit être délivrée autour d’un message fort de non utilisation du téléphone lorsqu’on se déplace sur une voie de circulation. L’aide à l’auto-régulation de l’usage du téléphone doit être promue et la technologie mise à contribution pour proposer des possibilités de déconnexion automatiques ou volontaires en action de conduite. Des moyens de « contrôle-sanction » doivent être développés pour lutter contre les plus récalcitrants, car le nombre des infractions relevées reste à un faible niveau au regard du non-respect des règles.

Deux rapports présentés par le comité des experts devant le CNSR

Le Comité des experts, comité scientifique et technique indépendant, composé de 15 membres, est placé auprès du CNSR et de la Déléguée interministérielle à la sécurité routière. Il intervient à la demande de cette dernière ou du président du CNSR pour identifier des pistes d'actions scientifiquement étayées, dresser un état des connaissances au niveau national et international ou émettre des avis scientifiques et techniques sur des stratégies ou des mesures envisagées.

Lors de cette séance du CNSR du 28 novembre 2022, deux rapports élaborés par le Comité des experts ont été présentés :

1- L’approche du Système Sûr et sa mise en œuvre en France

L'ONU, l'OMS, l'UE, l'OCDE, beaucoup de pays (notamment scandinaves et anglo-saxons) ont adopté et recommandent l'approche Système Sûr pour la sécurité routière. Cette approche part du principe que l'usager est faillible et vulnérable et que pour limiter la survenance d’accidents et leur gravité, le système de gestion des risques doit pouvoir s’appuyer à la fois sur une régulation adaptée des vitesses et sur une organisation intégrée des différents niveaux d’intervention permettant des protections multiples en cas de défaillance. Cette démarche systémique associe différents piliers d’intervention (notamment l’usager, le véhicule, l’infrastructure, la prise en charge des victimes, le management, la vitesse).

Alors que les chiffres de l'insécurité routière ne baissent plus de manière significative, l'approche de Système Sûr peut proposer un cadre fédérateur pour aider les acteurs à se mobiliser et impulser un nouvel élan pour faire face aux mutations de nos déplacements (évolution de la répartition des compétences et des missions, notamment dans le cadre des différentes vagues de décentralisation, évolution des mobilités dans le cadre de la transition énergétique, vieillissement de la population, arrivée des véhicules à délégation de conduite...).

Ces mutations mettent en lumière l'intérêt de l'approche Système Sûr qui permet une adhésion de l'ensemble des acteurs en proposant le partage d’un cadre commun au niveau national et dans chaque territoire.

Considérant que la politique française de sécurité routière couvre l’ensemble des piliers définis par l’approche Système Sur et avec un niveau de coordination élaboré, le rapport propose de retenir une déclinaison française : le Système Sûr Soutenable (S-cube) fondé concrètement sur :

  • l’amélioration du partage de l'espace public,
  • la mise en place d’une démarche systématique d'évaluation,
  • l’accompagnement de l'évolution des mobilités, en particulier les mobilités douces au sein d'espaces anciennement dédiés exclusivement aux véhicules motorisés
  • l’engagement des collectivités territoriales à s'emparer de la sécurité routière sous la bannière du S-cube,
  • la mise en résonance de la sécurité routière avec les impératifs du développement durable.

2- Des données pour un Système Sûr Durable

Quelle que soit l’approche, l’objectif de diminuer drastiquement l’accidentalité doit s’appuyer sur une mesure objective des enjeux de l’insécurité routière. Chacun des quatre piliers (les usagers, le véhicule, l’infrastructure et la prise en charge des victimes) constitue une source de production de données sur lesquelles cette mesure doit s’appuyer. Ces données sont recueillies par les acteurs impliqués dans la prise en charge des accidents et des victimes (police, gendarmerie, services de secours aux victimes, gestionnaires de voirie, assureurs…).

Cette meilleure connaissance des accidents et de leurs conséquences, indispensable pour progresser, peut être enrichie en ciblant des données supplémentaires issues de bases existantes comme le suivi des victimes dans la durée (système national des données de santé), l’historique des infractions des conducteurs, le recueil de données techniques issues des véhicules impliqués, l’état de l’infrastructure… Dans ce large éventail, les actions à mettre en œuvre pour améliorer le système d’information doivent être identifiées en veillant à leur fiabilité technique et réglementaire.

A titre principal le rapport recommande d’adopter un identifiant unique pour chaque accident corporel, indépendamment de l’intervenant qui le déclare. Il importe également de recueillir le numéro d’inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR) pour les personnes impliquées, l’immatriculation des véhicules ou le numéro VIN (vehicle identification number) ainsi que la position GPS de l’accident.

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