Les préfets

Depuis plus de deux siècles, les autorités préfectorales incarnent la permanence et la présence de l’État sur tout le territoire et en toutes circonstances. Responsables de la mise en œuvre des politiques publiques, les préfets sont garants de l'intérêt général et des grands principes du service public. Des « intendants » du XVIIIe siècle aux préfets d’aujourd’hui, retrouvez ici la longue histoire de ceux qui symbolisent la permanence et la continuité de l’action publique.

Depuis plus de deux siècles, les autorités préfectorales incarnent la permanence et la présence de l’État sur tout le territoire et en toutes circonstances. Responsables de la mise en œuvre des politiques publiques, les préfets sont garants de l'intérêt général et des grands principes du service public. Des « intendants » du XVIIIe siècle aux préfets d’aujourd’hui, retrouvez ici la longue histoire de ceux qui symbolisent la permanence et la continuité de l’action publique.

Depuis 1958, le préfet est le seul haut fonctionnaire de l'État dont le rôle et l'existence sont définis par la Constitution. "Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois" (article 72 de Constitution).

À ce titre, les préfets sont responsables de la mise en œuvre de l'ensemble des politiques publiques. Ils incarnent la permanence et la présence de l’État sur tout le territoire et en toutes circonstances. Ils sont garants de l'intérêt général, du bon fonctionnement de l'administration, des grands principes du service public et de la légalité des actes des collectivités territoriales.

Symbole de permanence et de continuité de l'action publique, la fonction préfectorale est également en perpétuelle évolution, dans ses missions comme dans sa composition. La féminisation du corps préfectoral s'accroît chaque année. La première sous-préfète de France, Florence Hugodot a été nommée en 1974, suivie en 1981, par la première préfète, Yvette Chassagne.

Au 1er janvier 2023, 127 préfètes et préfets sont en poste dans les territoires en tant que préfets de département, de région ou de zone de défense et de sécurité. 

Au XVIIIème siècle, la France est organisée en une trentaine de généralités. Circonscriptions financières à l'origine, elles ont créées par François 1er. Chacune est dirigée par un intendant de justice, police et finances "de qui dépend le bonheur ou le malheur des provinces" écrit l'écossais John Law. Le terme "police" s'entend alors au sens d'"administration générale". 

Issus de la noblesse de robe, les intendants sont choisis par le Roi parmi les maîtres de requête de son conseil. Ils ne dépendent que du souverain et le représentent en province. Agents zélés de l'absolutisme royal, ils réalisent l'unification administrative du pays, au prix de la réduction des libertés provinciales et municipales. Leur despotisme les rend très impopulaires. 

Sous la pression de l'opinion publique, Louis XVI leur retire la plupart de leurs pouvoirs pour les donner aux assemblées provinciales instituées entre 1778 et 1787 dans la majorité des généralités. En 1789, les Cahiers de doléances réclament leur disparition. La France est ensuite divisée en départements

Le 22 décembre 1789, l'Assemblée nationale constituante supprime les intendants. Le 26 février 1790, elle divise le royaume en 83 départements de dimension et de richesse à peu près égales. La taille modeste du département doit permettre à tout administré de se rendre au chef-lieu en une journée maximum. La création des départements brise aussi les particularismes provinciaux et favorise le sentiment national.

L'administration départementale est alors composée :

  • d'un conseil général (l'assemblée délibérante),
  • d'un directoire (l'exécutif),
  • d'un procureur général syndic qui représente le roi et est chargé de faire appliquer les lois. 

Tous les membres de l'administration départementale sont élus par le collège restreint des électeurs du second degré qui sont aussi de riches propriétaires. L'administration départementale est placée sous la tutelle du roi qui peut annuler les actes et suspendre les administrateurs.

Faute de coordination entre l’État et le département, la Convention (1792-1795) ne peut obtenir la levée régulière de l'impôt et le recrutement de l'armée. Le 4 décembre 1793, elle remplace alors les conseils généraux et les procureurs généraux syndics par des agents nationaux qu'elle nomme elle-même.

Les hommes de Napoléon

Après son coup d'État du 18 brumaire (9 novembre 1799), Napoléon Bonaparte, devenu Premier consul, réforme l'organisation de l’État et l'administration du territoire. La loi du 28 pluviôse, an VIII - 17 février 1800 crée la fonction de préfet. Dans le département, le préfet "sera chargé seul de l'administration". Il est assisté de sous-préfets dans les arrondissements.

Nommé par le Premier Consul, le préfet est l'intermédiaire obligé entre le département et l'État. Il est aussi l'organe exécutif unique du département. Il contrôle et anime le conseil général. Les membres du conseil général sont également choisis par Bonaparte.

Le préfet désigne les maires et les adjoints des communes de moins de 5 000 habitants et propose au Premier Consul - plus tard à l'Empereur - la nomination des autres.

Le 2 mars 1800, 97 préfectures sont attribuées à des hommes triés sur le volet, souvent d'anciens révolutionnaires mais épris d'ordre et de discipline et passionnés de grandeur nationale. Bonaparte leur recommande : "Ne soyez jamais les hommes de la Révolution mais les hommes du Gouvernement... et faites que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures."(Le Citoyen français, ventôse an VIII).

De tempérament actif, doués du sens de l’État, couverts d'honneurs - ils sont tous anoblis à partir de 1810 - les préfets de Napoléon, agents de l'absolutisme impérial, forgent une solide administration territoriale.

L'enracinement dans la société

Les constitutions et les régimes politiques passent  : Ier Empire, Restauration, Monarchie de Juillet, Seconde République... Mais l'institution préfectorale s'enracine progressivement dans la vie administrative française.
Les préfets ont non seulement une mission de maintien de l'ordre public mais jouent aussi un rôle important dans le développement économique et social du pays.
Rambuteau, préfet de la Seine de 1833 à 1848, participe activement à l'essor économique du Second Empire en engageant d'importants travaux d'assainissement de la capitale.
Comme Haussmann, les préfets tels que lui  jouent un rôle important dans la lutte contre la misère à travers les œuvres de bienfaisance, la réglementation du travail, le développement de l'enseignement primaire…

Dans le même temps, le décret du 25 mars 1852 octroie aux préfets de nouveaux pouvoirs. Certaines décisions qui étaient prises en administration centrale relèvent désormais directement du préfet qui peut nommer directement, sans requérir l'aval du Gouvernement, à des fonctions ou emplois nécessaires au fonctionnement des services publics locaux.

Sous la IIIe République, les premières grandes lois sur les collectivités locales, la liberté de la presse, les syndicats, le droit de grève, la liberté d'association… sont adoptées. Une longue période de stabilité commence pour le corps préfectoral, ce qui lui permet de contribuer à l'implantation en profondeur des nouvelles institutions dans le pays.
Le rôle du préfet en tant que représentant de l'État au plus près des citoyens s'affermit lentement, comme en témoigne la circulaire que leur adresse Théodore Steeg, ministre de l'Intérieur dans le cabinet Millerand en février 1920 : "Vous aurez à cœur de simplifier, d'assouplir, d'accélérer le jeu des rouages administratifs, d'épargner à vos administrés la multiplication irritante de démarches stériles".

En août 1914 et durant tout le conflit, de nombreux membres du corps préfectoral sont mobilisés. Dans les départements envahis, d'autres font face, parfois au prix de leur vie.

Après guerre, l'administration territoriale de l’État fait l'objet d'une profonde réorganisation qui aboutit à la suppression de 106 sous-préfectures,  sous le Gouvernement Poincaré, en 1926.

La seconde guerre mondiale n'épargne pas le corps préfectoral. Trente-neuf préfets et sous-préfets meurent pour la France, au cours d'opérations de combat, fusillés ou en déportation. Ils sont nombreux à s'engager dans la Résistance. Parmi eux, Jean Moulin va devenir l'incarnation de la Résistance intérieure.

Jean Moulin, préfet et héros de la Résistance
Né en 1899 à Béziers, Jean Moulin devient le plus jeune préfet de France en 1937. Pendant l’exode de juin 1940, il s’oppose aux Allemands et refuse de signer un protocole accusant les troupes françaises d'avoir commis des atrocités envers des civils. Torturé, il tente de se suicider en se tranchant la gorge avec un débris de verre.

Préfet de gauche, il est relevé de ses fonctions le 2 novembre 1940 par le Gouvernement de l’État français installé à Vichy. À la suite de l'appel du 18 juin 1940, il entre dans la Résistance, rejoint Londres. Il est présenté au général de Gaulle le 25 octobre 1941.

Misant sur l'intelligence et les capacités de Jean Moulin, le général le charge d'unifier les mouvements de résistance et leurs différents services (propagande, renseignement, sabotage, entraide, etc.) sur le territoire français, afin d'en faire une armée secrète des forces françaises libres, placée sous ses ordres.

Parachuté dans les Alpilles dans la nuit du 1er janvier 1942, Jean Moulin prend le pseudonyme de Rex puis de Max. Chargé en 1943 de créer le Conseil national de la Résistance (CNR), regroupant les chefs des principaux groupes de résistance intérieure, il est arrêté à la suite d’une dénonciation le 21 juin 1943 à Caluire, dans la banlieue de Lyon.

Après avoir été identifié et interrogé par le chef de la Gestapo Klaus Barbie au Fort Montluc de Lyon, Jean Moulin est transféré à Paris où il est torturé par la Gestapo sans jamais, selon le mot de Malraux, "trahir un seul secret, lui qui les savait tous." Il meurt le 8 juillet 1943 aux environs de Metz, dans le train qui le conduit en Allemagne.

Les cendres de Jean Moulin ont été transférées au Panthéon en décembre 1964. 

Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer veut conserver le souvenir de ces grandes figures qui font l'honneur de la fonction publique. Aujourd'hui, plusieurs bâtiments de l'îlot Beauvau, qui constitue le cœur du ministère, portent leur nom : Jean Moulin, Louis Dupiech, Georges Fourneret et Louis Tuaillon.

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