07.02.2008 - Colloque organisé par la Fédération Française du Bâtiment

7 février 2008

Intervention de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Merci de votre accueil.

J'ai aujourd'hui plaisir à clore votre conférence.

Le vol sur les chantiers, sujet de cette conférence, n'est pas un délit anodin.

C'est une menace multiple et permanente sur l'économie des entreprises et la sécurité des chantiers et vous permettrez au Ministre de l'Intérieur de le souligner, sur la protection contre le terrorisme.

Le vol pénalise l'ensemble du secteur du bâtiment et des travaux publics. Les vols d'outillage, d'engins de chantier et de métaux représentent chaque année un coût considérable. L'étude commandée par votre Fédération évoque le chiffre de plus d'1 milliard d'euros.

Je sais le rôle que joue l'industrie du bâtiment dans l'économie française.

La recrudescence de ces vols est préoccupante. Le nombre de vols sur les chantiers a connu depuis 2005 une augmentation sensible. Au cours de l'année 2007, près de 17 000 faits ont été recensés contre environ 15 000 en 2005. Elle représente une part très importante de l'augmentation de la délinquance en zone gendarmerie. Cette hausse d'environ 10 % est d'autant plus sensible que la délinquance générale a baissé de 3.6 % sur la même période.

Les causes sont claires.

La hausse du coût des matières premières d'abord. Des bandes plus ou moins organisées alimentent les marchés lointains.

Soyons lucides, la crise d'approvisionnement du matériel de chantier incite aussi certains entrepreneurs indélicats à s'approvisionner de façon illégale.

Enfin la nature et les contrôles incitent certains à se procurer des produits sensibles, tels les explosifs, de cette façon plus anonymes.

Je ne crois pas en la fatalité. L'action sur le terrain a déjà porté ses premiers fruits. Les efforts renforcés des services de police et de gendarmerie viendront à bout de ce phénomène, à condition que nous agissions ensemble.

1/ Les services de police et de gendarmerie ont, d'ores et déjà obtenu des résultats tangibles.

• Le maillage territorial des services de la police et de la gendarmerie favorise la réponse des pouvoirs publics au phénomène du vol sur les chantiers.

Des actions de prévention et de répression sont menées dans ce domaine aussi bien par les policiers que par les gendarmes.

La spécialisation des tâches permet de renforcer l'efficacité des investigations.

Selon l'importance des objets dérobés, leur quantité, leur valeur, les modes opératoires, les enquêtes sont confiées soit à des services de la sécurité publique, soit à des services de la police judiciaire, soit à la gendarmerie.

• Certains types de vols appellent toutefois une action plus ciblée.

Je pense par exemple aux vols de tracteurs utilisés dans les travaux publics. Nous savons que ces vols s'intègrent souvent dans un trafic international de pièces détachées. Ils ne sont donc pas le fait de bandes locales. Ils relèvent d'une forme de délinquance itinérante, d'envergure internationale, qui alimente une économie souterraine.

L'Office Central contre le Crime Organisé mène une action en profondeur contre ces groupes.

Parallèlement, l'Office Central de Lutte contre la Délinquance Itinérante, créé en 2005, coordonne la lutte contre les malfaiteurs non sédentarisés spécialisés dans ces agissements.

A Paris et dans la couronne parisienne, c'est la brigade de répression du banditisme qui est chargée des enquêtes consécutives aux vols d'ampleur.

Enfin, les Groupes d'Intervention Régionaux (GIR), qui agissent sur des territoires ciblés, contribuent à l'efficacité du dispositif en traquant les filières qui exploitent et commercialisent les biens ainsi détournés. Ainsi trente personnes ont été interpellées mardi matin à Clermont-Ferrand dans le cadre d'une enquête sur des vols de métaux.

• L'action de l'ensemble de ces services a déjà permis d'obtenir des résultats significatifs.

Les services n'ont pas été ineffectifs ou inefficaces.

Je m'en tiendrai à quelques chiffres.

Depuis 2002, le nombre d'affaires élucidées en matière de vol sur les chantiers a fortement progressé. 1250 affaires étaient élucidées en 2002. Plus de 2000 en 2007. C'est trois fois plus que le rythme d'évolution des délits constatés.

Le nombre de personnes mises en cause a connu une augmentation parallèle : 1430 en 2002, 2 500 en 2007. 2 500 mesures de garde à vue ont été prises en 2007 contre environ 1 400 en 2002, soit près du double.

Il y a donc des résultats. Ils ne sont toutefois pas suffisants.

2/ L'ampleur du phénomène nous oblige à redoubler nos efforts dans la lutte contre les vols sur les chantiers.

J'ai prévu d'élargir notre dispositif dans une double direction.

• Il faut tout d'abord approfondir notre action contre le vol sur les chantiers.

J'ai demandé à la Direction Générale de la Police Nationale et à la Direction Générale de la gendarmerie nationale sur l'ensemble du territoire national de renforcer en priorité leur action dans les régions les plus touchées : Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, régions frontalières.

J'ajoute que les "Plans départementaux de sécurité" comporteront désormais un volet spécifique sur la lutte contre les vols sur chantiers.

L'approfondissement de notre action passera par le développement de la police technique et scientifique.

La modernisation de moyens de la police et de la gendarmerie est loin d'être, M. le Président, une fausse piste. Elle en est même à mes yeux tout le contraire. Elle s'intègre pleinement dans la "guerre à la criminalité" que vous appelez de vos vœux.

Le recours aux moyens de la police technique et scientifique permet d'aller plus loin à la fois dans la prévention et l'élucidation des crimes et délits.

La Police Technique et Scientifique, dont j'ai fait l'une de mes priorités, est l'une des réponses aux vols sur les chantiers.

Le fichier automatisé des empreintes digitales permet l'identification des personnes et des traces papillaires relevées sur les lieux d'infractions. Sa base contient 2.7 millions d'individus.

Le fichier national des empreintes génétiques contient le génotype de tout auteur d'une infraction qualifiée de crime ou de délit et punie de peine d'emprisonnement. Sa base contient 585 000 profils.

Ces outils sont efficaces quand les services de police ou de gendarmerie sont appelés rapidement et que les lieux sont gardés en l'état. Je vous demande de faire passer le message.

• Je crois par ailleurs qu'il est nécessaire d'associer tous les acteurs à la lutte contre le vol sur les chantiers.

Ce sera le deuxième axe de mon action.

Ma conviction est que la démarche partenariale est dans ce domaine une nécessité.

Vous rappeliez, Monsieur le Président, l'efficacité de l'action menée dans les Bouches-du-Rhône. Elle repose sur la signature de conventions de partenariat avec les fédérations départementales, portant sur la lutte contre les vols, le racket et le chantage à l'embauche sur les chantiers.

J'ai l'intention de formaliser cette concertation dans tous les départements où l'ampleur du phénomène le justifie. Ces conventions systématiseront la prise de contact, le conseil et l'échange d'informations entre les services de police et de gendarmerie et les entreprises du BTP.

Ce partenariat favorisera, c'est essentiel, l'élaboration d'un diagnostic partagé.

- Sur la base des ces diagnostics situationnels, les services de police et de gendarmerie pourront informer les entrepreneurs sur les caractéristiques du secteur d'implantation de leurs chantiers.

Les responsables de chantiers auront en outre de nouveaux interlocuteurs. Il leur sera possible de solliciter le référent en prévention situationnelle, présent dans chaque direction départementale de sécurité publique.

Des correspondants pourront apporter aux entrepreneurs des conseils sur les moyens de protection à envisager sur leurs chantiers.

Je pense en particulier aux systèmes de vidéoprotection, qui comptent aujourd'hui parmi les moyens les plus efficaces d'assurer la sécurité des biens et des personnes.

La vidéoprotection donne des résultats. On constate une baisse de 40 % en moyenne dans les municipalités qui y ont recours.

J'attire donc votre attention, et celle de l'ensemble des entrepreneurs du bâtiment, sur l'intérêt qu'il y a à recourir à ces dispositifs. L'expérience prouve leur efficacité. Ils permettent à la fois la prévention des atteintes aux biens et ils constituent une aide précieuse à l'enquête.

Je veux faciliter l'installation de ces systèmes de vidéoprotection sur vos chantiers. Un effort de simplification juridique est par ailleurs en cours pour favoriser leur mise en place.

J'en profite pour rappeler que d'autres solutions peuvent être choisies par les entrepreneurs.

Certaines mesures comme le conditionnement des matériaux, leur stockage, leur traçabilité ou leur surveillance, ont un effet dissuasif certain. Je ne saurais à cet égard trop insister sur la nécessité de respecter strictement la réglementation relative aux explosifs sur les chantiers. Les chantiers d'ouvrages d'art, d'infrastructures routières ou ferroviaires détiennent des matières explosives que des groupes terroristes cherchent à se procurer.

C'est une véritable préoccupation de savoir que l'ETA et certains mouvements nationalistes corses peuvent ainsi se procurer des explosifs. C'est une préoccupation pour moi. C'est une préoccupation pour tous.

Enfin, l'immatriculation des engins de chantiers qui font l'objet d'un trafic avec les pays d'Afrique et d'Europe de l'Est serait une autre solution pour les entrepreneurs. Les entreprises du BTP pourraient aussi recourir à la géolocalisation de ces véhicules par des systèmes de type GPS dissimulés. Il est essentiel qu'ils soient dissimulés.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Vous le voyez, je prends le problème du vol sur les chantiers très au sérieux.

Je crois, dans ce domaine, aux vertus du partenariat. Je crois en un partenariat responsable. Je ne m'exonère pas de mes responsabilités, mais votre soutien m'est indispensable.

Il est nécessaire que les personnels du secteur des travaux publics déposent systématiquement plainte en cas de vol.

Il s'agit de permettre aux victimes de se faire entendre. Mais il s'agit aussi de mieux orienter l'activité des services sur les lieux où ces vols sont commis, ainsi que sur les modes opératoires des individus ou des bandes qui en sont les auteurs.

Un dispositif de pré-plainte en ligne, concernant les atteintes aux biens, est en cours d'expérimentation. Cette solution ne règlera pas à elle seule, Monsieur le Président, la question du vol sur les chantiers. Elle facilitera néanmoins ces démarches pour les entrepreneurs victimes de vols.

Plus généralement, je voudrais souligner que la sécurisation des chantiers ne se fera pas sans les professionnels du bâtiment.

Les services de police et de gendarmerie sont des acteurs essentiels dans la lutte contre les vols sur chantiers. Ils ne sont pas les seuls. Ils ne peuvent pas agir seuls.

Chacun doit assumer ses responsabilités. Rien ne sera possible sans un échange transparent, comme celui que nous avons aujourd'hui, entre les fédérations départementales du bâtiment et les services de police et de gendarmerie. Rien ne sera possible sans une volonté commune de lutter contre le vol sur les chantiers.

Nous agirons ensemble pour le bâtiment, pour l'économie, pour l'emploi des Français. Je compte donc, Mesdames et Messieurs, sur votre sens des responsabilités.

Je vous remercie.