Séance de questions d'actualité au Gouvernement du 17 septembre 2013

17 septembre 2013

Mardi 17 septembre 2013, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a répondu aux députés Bruno Nestor Azerot, et Didier Quentin, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale.


Bruno Nestor Azerot, député-maire FG (Front de Gauche) de Sainte-Marie (Martinique)

Merci président. Ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et je voudrais y associer mes collègues Jean-Philippe Nilor et Alfred Marie-Jeanne. Depuis le début de l’année 2013, douze homicides ont été enregistrés en Martinique dont dix par arme à feu et par des jeunes. En Guadeloupe, trente-sept homicides. Ces quarante-neuf meurtres aux Antilles constituent un traumatisme pour ces sociétés insulaires. Ceci dans le plus grand silence des médias. Je vous sais gré, Monsieur le ministre, d’avoir indiqué votre ferme volonté de lutter contre insécurité en vous rendant prochainement en Guadeloupe et en Martinique. En effet, élus d’un terrain d’outre-mer, confrontés à cette violence de masse, nous avons le sentiment d’être bien seuls, pas suffisamment accompagnés et même oubliés dans nos efforts. On parle beaucoup de la violence qui sévit dans d’autres territoires mais peu des Antilles. Sur le terrain pourtant, élus, policiers et gendarmes, éducateurs et travailleurs sociaux ne cèdent pas et font honneur à leur mission en engageant un travail immense pour juguler des phénomènes de violence. Une mobilisation majeure de l’État est indispensable car la Guadeloupe et la Martinique ont aussi droit à la protection de l’État. Des réponses concrètes, immédiates et durables sont attendues par nos populations. Nous avons besoin d’un engagement ici et maintenant, d’une vraie politique préventive et répressive globale de lutte contre ces phénomènes violents de société qui touchent prioritairement nos jeunes surarmés. Telle est la question et c’est pourquoi nous déposerons – avec votre appui, nous n’en doutons pas – une demande de commission d’enquête sur la question du trafic des armes à feu aux Antilles

Manuel Valls, ministre de l’Intérieur

Monsieur le président, Monsieur le député, j’ai toujours dit, nous avons toujours dit que nous tiendrons, sur les questions de sécurité, un discours de vérité. Et, oui, vous avez raison, la situation dans les Antilles – et malheureusement depuis bien longtemps – est particulièrement difficile. Je me rendrai dans quelques semaines en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Martin où la situation est difficile et où le trafic de drogue commet des ravages. Depuis la fin juin 2013, un plan d’action conçu par Victorin Lurel est mis en œuvre en Martinique et en Guadeloupe. Les forces de l’ordre se sont réorganisées pour occuper davantage le terrain. Il faut aller encore plus en profondeur. Le Premier ministre l’a annoncé à l’occasion de son déplacement, des renforts d’effectifs ont été programmés pour la Martinique comme pour la Guadeloupe. Une zone de sécurité prioritaire est mise en place sur les cinq quartiers de Fort-de-France, ainsi qu’à Pointe-à-Pitre et Les Abymes, en Guadeloupe. Il faut toujours progresser, identifier les difficultés, améliorer le travail fourni. Et est rentrée depuis deux jours une mission gendarmerie-police pour faire un certain nombre de propositions. Et puis vous avez raison, la question spécifique des armes à feu avec des campagnes citoyennes mérite un engagement du Parlement – vous le proposez – mais, évidemment, du gouvernement. Monsieur le député, la Guadeloupe, la Martinique, d’une manière générale, les outre-mer, ne peuvent pas être oubliés, ne peuvent pas passer en second plan de l’actualité. Elle mérite – et c’est le cas – l’attention et l’engagement du gouvernement et de l’État et, Monsieur le député, nous nous rencontrerons avant même ce déplacement. Vous pouvez comptez sur mon engagement, notre engagement pour assurer la sécurité et l’ordre dans vos territoires.

Didier Quentin, député-maire UMP de Royan (Charente-Maritime)

Merci Monsieur le président. Ma question s’adresse à Monsieur le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, vous venez de publier deux décrets visant à assouplir les conditions d’accès à la nationalité française. On ne peut s’empêcher d’y voir des arrière-pensées car, comme vous le savez bien, le président de la République n’aura pas de majorité au Congrès pour remplir l’un de ses engagements, à savoir faire adopter le droit de vote des étrangers non communautaires avant les élections municipales de mars 2014. Alors, Monsieur le Premier ministre, vous contournez cet obstacle en réduisant par décret les critères de naturalisation avec un objectif de cent mille, cent mille par an. S’il nous semble légitime que le droit de vote s’acquiert par la nationalité, encore faut-il ne pas accorder celle-ci de manière trop laxiste. C’est ainsi que le questionnaire sur notre culture et les valeurs de la République dont parlait tout à l’heure Monsieur le ministre de l’Éducation, ce questionnaire a été supprimé. Même le fait d’avoir été clandestin n’est plus un obstacle. Vous risquez donc de créer un nouvel appel d’air à l’immigration illégale. Pour nous, députés du groupe UMP, la naturalisation est l’aboutissement d’un parcours d’intégration dans notre pays, à l’image de ce qui se fait dans de grandes démocraties comme les États-Unis et le Royaume-Uni. La nationalité se mérite, elle ne doit en aucun cas être bradée. Alors, Monsieur le Premier ministre, plutôt que d’assouplir les conditions d’accès à la nationalité française, ne vaudrait-il pas mieux conduire une politique d’immigration responsable en fonction de nos capacités d’accueil, d’intégration et de cohésion nationale ?

Manuel Valls, ministre de l’Intérieur

Monsieur le président, Monsieur le député, Monsieur Quentin, avec une baisse de 30 % des personnes naturalisées en 2011 puis en 2012, cela a été accompli sans débat, sans circulaire, sans décret, avec des instructions orales directement aux préfets, en changeant ainsi en catimini ce qui était la réalité de ce pays. Et ce que nous avons fait par les circulaires que nous avons indiquées, sans changer les critères – parce qu’effectivement on ne brade pas la nationalité française –, nous avons renoué avec ce qu’est l’histoire de la France à laquelle vous n’auriez jamais dû tourner le dos. Jamais ! Oui, nous pensons, nous pensons qu’accueillir de nouveaux Français, c’est une fierté pour notre pays à condition que cela soit avec des droits et des devoirs compris par chacun. Et nous considérons que ceux qui, aujourd’hui, deviendront Français, c’est aussi une fierté pour la France. Alors, Monsieur le député, celui qui vous parle, oui, Madame, qui a été lui-même naturalisé à dix-huit ans parce qu’il a appris à devenir Français, parce qu’il aime ce pays, parce qu’il aime ses valeurs, considère que d’autres, à condition qu’ils fassent le même chemin – et ce sont seize ans en moyenne –, peuvent devenir Français et que c’est une force et un atout pour notre pays. Monsieur le député, par ce type de question, par ce type d’insinuation, vous tournez le dos à votre famille politique, vous tournez le dos à ce qu’est la France moderne. Vous apportez des voix à ceux qui ont une conception triste, rabougrie et petite de la nationalité. Nous, nous pensons qu’être Français, c’est une fierté, c’est une chance pour le pays, c’est une chance pour la République, c’est une chance pour la France !