06.03.2009 - Assemblée des Français de l'étranger

6 mars 2009

Allocution de Monsieur Alain MARLEIX, Secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, lors de l'Assemblée des Français de l'étranger, le vendredi 6 mars 2009.


Madame le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs les membres de l'Assemblée,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie de m'avoir convié à participer à la votre 10ème session et de me permettre ainsi de rencontrer les membres de votre assemblée : je regrette de ne pas avoir pu le faire comme prévu hier matin, au moment même de la remise du rapport de Monsieur Edouard Balladur au Président de la République, mais je sais que vous avez pu avoir un dialogue approfondi avec Hervé Fabre-Aubrespy.

Je n'avais pas eu l'occasion jusqu'à présent d'assister à l'une de vos séances et je suis très heureux de vous rencontrer aujourd'hui pour vous présenter la réforme en cours de la représentation des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale.

Comme vous le savez, il avait été fréquemment question dans le passé d'élire des députés représentants nos compatriotes établis hors de France : c'était déjà l'une des propositions du candidat François MITTERRAND à l'élection présidentielle de 1981 et l'un des engagements des deux principaux candidats à la dernière élection présidentielle.

Nicolas Sarkozy, devenu président de la République, a respecté son engagement et ainsi permis la solution d'un problème débattu depuis bientôt 30 ans : depuis l'importante réforme des institutions opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 24 de la Constitution a en effet étendu à l'Assemblée Nationale le principe d'une représentation des Français établis hors de France prévue actuellement pour le seul Sénat.

Déjà représentés par douze sénateurs, les Français qui vous ont élu enverront donc à l'Assemblée nationale, à partir du prochain renouvellement général prévu en juin 2012, des députés, avant qu'ils ne le fassent peut-être un jour pour le Parlement européen : je ne peux développer ce sujet aujourd'hui, mais je vous indique que j'ai pris connaissance avec la plus grande attention de la proposition de loi présentée par votre collègue, le sénateur Robert del Picchia, visant à permettre aux Français installés à l'étranger - c'est également le but d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par Messieurs Mariani et Urvoas -, de participer comme l'ensemble des Français aux élections européennes. Nous ferons tout pour répondre à cette préoccupation légitime d'ici les élections européennes de 2014.

S'agissant de vos futurs députés, la loi électorale du 13 janvier dernier habilite le Gouvernement à procéder par ordonnances, dans le délai maximum d'un an, à la création de ces nouveaux sièges. Ceux-ci seront, comme pour les députés élus dans les départements et les collectivités d'outre-mer, pourvus au scrutin majoritaire.

Je sais que la majorité d'entre vous aurait souhaité une élection au scrutin proportionnel. Mais, au risque de les décevoir, je ne peux que leur confirmer que le Gouvernement, très attaché comme vous le savez au scrutin majoritaire, a exclu le mode de scrutin proportionnel pour ces nouveaux députés : il a voulu que, où qu'ils se trouvent dans le monde, nos compatriotes puissent faire appel à un député bien identifié, qu'ils le connaissent et qu'ils soient à même de s'adresser à lui pour évoquer leurs difficultés. Les députés représentant les Français établis à l'étranger ne seraient d'ailleurs pas considérés comme des députés ordinaires s'ils bénéficiaient d'un mode de scrutin particulier.

Je vous signale d'ailleurs à ce sujet que le choix de ce mode de scrutin a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009 sur la loi électorale : celui-ci, saisi par les députés et les sénateurs socialistes, qui s'appuyaient sur la spécificité de la zone géographique représentée, a rappelé que les députés élus par les Français établis hors de France représenteront au Parlement, comme tous les autres députés et les sénateurs, la Nation tout entière et non la population de leur circonscription d'élection. Il a en conséquence validé le choix d'un mode de scrutin identique à celui retenu pour les députés élus sur le territoire de la République.

Le Président de la République et le Gouvernement m'ont confié le soin de procéder à la mise en œuvre pratique de cette réforme, comme je le suis de l'ajustement de l'ensemble de la carte électorale : celui-ci est exigé par le Conseil constitutionnel du fait des écarts démographiques importants apparus depuis le recensement de 1982, sur lequel est fondé le découpage actuel, effectué en 1986.

Il me revient donc de procéder, en ce qui concerne les députés qui seront élus par les Français de l'étranger, aux opérations suivantes : en premier lieu, fixer le nombre de ces députés ; en deuxième lieu, délimiter un nombre de circonscriptions législatives correspondant à ce nombre ; en troisième lieu, adapter le code électoral à la spécificité de cette élection.
Permettez-moi de développer rapidement ces trois points :

1°) Le nombre des députés qui représenteront à l'avenir les Français de l'étranger sera fixé sur la base du nombre de nos compatriotes immatriculés dans les consulats : le Conseil constitutionnel a précisé, dans la décision que j'évoquais il y a un instant, que nous devrons prendre en considération l'ensemble des personnes immatriculées, sans pouvoir en déduire celles qui sont inscrites en France pour les élections présidentielles et législatives.

Nous disposons d'un côté de la population française municipale de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer, à la date du 1er janvier 2006, telle qu'elle résulte du dernier recensement authentifié par le décret du 30 décembre, soit de 63 185 925 habitants ; de l'autre, du nombre de ressortissants inscrits à la même date dans les registres de l'ensemble des postes consulaires, qui était exactement de 1 268 528.

La répartition arithmétique entre les deux ensembles des 567 sièges de députés qui ne sont pas attribués aux collectivités d'outre-mer, compte tenu du plafonnement par la Constitution de l'effectif de l'Assemblée nationale à 577 députés, conduit à fixer à 556 le nombre global de députés à attribuer aux départements (de métropole et d'outre-mer, soit 14 de moins qu'aujourd'hui), et à 11 celui des députés élus par les Français de l'étranger.

La commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution, qui sera mise en place d'ici la fin du mois, sera appelée à donner son avis sur ces chiffres.

2°) La délimitation des onze circonscriptions d'élection des futurs députés représentant les Français de l'étranger est évidemment sans précédent : nous ne disposons pas, comme en 1986, d'un découpage existant et il nous faut donc « découper le monde » de façon équilibrée démographiquement et cohérente géographiquement :

  • sur le plan démographique, le Conseil constitutionnel nous impose de nous tenir à l'intérieur de la marge de + ou - 20 % par rapport à la moyenne que nous connaissons à l'intérieur d'un département : la population moyenne étant d'environ de 115 000, ceci nous permet de délimiter des circonscriptions comprenant environ entre 92 000 et 138 000 personnes immatriculées au 1er janvier 2006 ;
  • sur le plan géographique, la loi électorale du 13 janvier a prévu, afin d'éviter tout risque d'arbitraire, que les futures circonscriptions devront respecter les limites des 52 circonscriptions d'élection des membres de votre Assemblée, telles qu'elles ont été définies en 1982 et révisées en 1992 puis en 2004, "dès lors que cette circonscription électorale ne comprend pas de territoires très éloignés les uns des autres". Pour le  découpage, ces 52 circonscriptions, qui ont été délimitées par un gouvernement de gauche, joueront donc le même rôle que les cantons pour les circonscriptions de métropole et d'outre-mer.

L'opération n'est évidemment pas simple, mais permettez-moi de vous dire qu'il en est de même des ajustements auxquels il nous faut procéder dans les 52 départements et les deux collectivités d'outre-mer concernés par la réforme. Elle est d'ailleurs rendue encore plus difficile par l'inégale répartition de nos ressortissants dans les différentes parties du monde : comme vous le savez, 25 pays regroupent près de 80 % d'entre eux.

Au vu de leur répartition par région, je pense que l'on devrait aboutir à cinq circonscriptions pour l'Europe, trois circonscriptions pour l'Afrique, francophone et non francophone, et le Proche et le Moyen-Orient, deux circonscriptions pour le continent américain, et une circonscription pour l'Asie et l'Océanie.
Mais il est encore trop tôt pour aller plus loin dans les hypothèses concernant ce découpage.

Sachez cependant que la commission indépendante, que j'ai évoquée il y a un instant, sera également consultée sur cette délimitation.

3°) J'en viens maintenant aux adaptations du code électoral auxquelles il nous faut procéder pour que les futures élections puissent se dérouler dans les meilleures conditions possibles : certaines d'entre elles, de nature législative, seront opérées par ordonnance, pour laquelle la loi du 13 janvier donne également une habilitation au Gouvernement mais qui ne sera pas soumise à la commission ; d'autres, de nature réglementaire, figureront dans un décret à prendre ultérieurement.

Les ajustements pourront concerner :

  • les inéligibilités et incompatibilités : le problème se pose pour les diplomates et les fonctionnaires en poste à l'étranger, ainsi que pour les personnes ayant une autre nationalité et pouvant être élues dans le Parlement de leur pays ;
  • les règles relatives aux déclarations et au dépôt des candidatures, ainsi qu'aux listes électorales ;
  • les modalités de la campagne électorale : il est impossible de s'en tenir aux règles traditionnelles s'agissant d'une campagne se déroulant sur le territoire d'un pays étranger. Il faudra donc trouver des solutions originales par exemple pour la tenue de réunions publiques, les commissions de propagande et la diffusion des professions de foi. Nous devrons de même recourir aux sociétés de radiodiffusion et de télévision françaises émettant en direction de l'étranger pour la campagne officielle ;
  • les règles du financement de la campagne électorale : devront être adaptées les règles relatives au mandataire financier, au plafond de dépenses autorisées, aux personnes susceptibles de verser des dons, question des donateurs installés dans le territoire d'élection, etc. ;
  • les dates des deux tours de scrutin : les hypothèses d'un vote anticipé, de l'avancement du premier tour, avec une période de deux à trois semaines entre les deux tours, ont été évoquées, et il me paraît difficile de les écarter ;
  • le recours éventuel à d'autres modalités de vote que les modalités traditionnelles : le vote par Internet, le vote par voie électronique et le vote par correspondance devront vraisemblablement être utilisés, quelles que soient les réticences de nos administrations, et nous pourrons d'ailleurs nous appuyer sur l'expérience que vous connaissez depuis 2006 pour vos propres élections ;
  • les conditions de recensement des votes dans chaque circonscription électorale devront également être adaptées.

Madame le Président, Mesdames, Messieurs,

Il nous reste beaucoup à faire pour boucler ce dossier et, sur les différents aspects que je viens d'évoquer, votre collaboration nous est précieuse.

Je m'étais engagé, lors des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le « paquet électoral », à conduire une concertation approfondie avec les représentants des Français de l'étranger sur l'ensemble de ces questions.

J'ai déjà entamé ce dialogue, en recevant plusieurs de vos sénateurs et deux de vos vice-présidents, en tenant le 16 février dernier, dans les locaux de mon ministère affectés à la réforme électorale, une réunion très intéressante avec les vice-présidents et le secrétaire général de votre Assemblée, vos sénateurs, les représentants de vos associations, les responsables de ces questions au sein des partis politiques, le directeur des Français de l'Etranger et le responsable des élections au ministère de l'intérieur.

Je rencontre systématiquement, lors des déplacements que j'effectue en ce moment dans des pays étrangers dans le cadre de mes fonctions ministérielles, les représentants des Français qui y sont établis : après le Maroc il y a quinze jours et le Congo la semaine dernière, je serai à Barcelone la semaine prochaine.

Je suis déterminé à poursuivre cette concertation dans les semaines à venir.

Je connais l'importance que chacune et chacun de vous accordez à ce dossier et vous remercie très chaleureusement de votre participation à sa mise au point. Vous nous apportez en effet une contribution particulièrement utile aux réflexions que nous devons conduire et aux questions qu'il nous faut résoudre pour organiser au mieux ces futures élections.

Vos suggestions sont et seront les bienvenues sur l'ensemble des dispositions pratiques à mettre en œuvre : je ne peux naturellement vous donner l'assurance qu'elles seront toutes retenues, mais je m'engage à ce qu'elles soient toutes étudiées avec la plus grande attention.

Madame le Président, Mesdames, Messieurs, c'est ensemble que nous mettrons en application cette réforme attendue depuis longtemps et qui ne peut souffrir aucune imperfection : les onze députés qui seront élus en juin 2012 ne seront pleinement acceptés par leurs collègues de l'Assemblée nationale que s'ils sont élus avec une forte participation et dans des conditions de régularité aussi irréprochables qu'eux.

Je vous remercie pour votre attention.