10.06.2008 - Assises du Numérique

10 juin 2008

Allocution de Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales, lors de l'ouverture des Assises du Numérique - Atelier Lutte contre la cybercriminalité


Mesdames, Messieurs,

Je suis heureuse d'ouvrir cette journée des assises du numérique consacrée à la lutte contre la cybercriminalité.

Lorsqu'Eric Besson m'a demandé de prendre en charge ces discussions, j'ai répondu favorablement. La cybercriminalité est une préoccupation essentielle pour le Ministre en charge de la protection des Français.

Internet pour ses millions d'utilisateurs est un immense espace de liberté. C'est aussi un espace vulnérable aux menaces, de la simple escroquerie à la propagande terroriste, en passant par la pédopornographie, le piratage et les atteintes aux systèmes d'information.

Je me réjouis qu'un dialogue constructif s'opère désormais entre les professionnels, les utilisateurs et les services de police et de gendarmerie, pour mieux sécuriser le Web.

La lutte contre la cybercriminalité nécessite à la fois des actions concrètes de la part des pouvoirs publics et une coopération constante entre tous les acteurs concernés.

J'ai eu l'occasion d'annoncer le 14 février dernier les mesures que je prendrai pour mieux sécuriser les utilisateurs d'Internet.

Des moyens humains sont mis en œuvre pour renforcer l'efficacité de notre action. Les personnels formés à la lutte contre la cybercriminalité seront plus nombreux et mieux armés pour y faire face.

Mon objectif est de doubler le nombre de nos cyber-enquêteurs. Ces enquêteurs : Enquêteurs Spécialisés en Criminalité Informatique pour la police (ESCI) et Enquêteurs en technologie numérique pour la gendarmerie (N'TECH), recevront une formation commune du plus haut niveau.

Ces moyens permettront des actions plus efficaces au service des victimes de la cyberdélinquance.

Un groupe spécialisé de lutte contre les escroqueries sur Internet assurera la centralisation opérationnelle des enquêtes au sein de l'Office Central de Lutte Contre la Criminalité liée aux Technologies de l'Information. Il sera opérationnel dès septembre.

Contre les "petits" hackers, je propose la mise en place de peines alternatives d'intérêt général. Beaucoup veulent tester la vulnérabilité des sites Internet sans véritable intention criminelle. Ils pourront ainsi mettre leur savoir-faire informatique au service de la collectivité. Vous traiterez de ce sujet cet après-midi, je vous demande de me faire des propositions concrètes.

Une plateforme permet aujourd'hui le signalement aux autorités des sites à caractère pédopornographique, tandis que le signalement des autres types de sites illicites se fait de manière non automatisée.

Dès septembre prochain, la France se dotera d'une plateforme automatisée qui permettra à chaque Internaute de signaler automatiquement toute forme de malversation constatée sur Internet : l'escroquerie, mais aussi les sites pédopornographiques, l'apologie du terrorisme, l'incitation à la haine raciale. Le traitement des signalements se fera en temps réel. La plateforme transmettra ensuite les informations à la justice lorsque les faits seront caractérisés. Elle sera couplée à un site de conseils et de prévention contre les contenus illicites d'Internet. Bien sûr, et dans l'esprit de ce qu'est internet, de nombreux sites pourront renvoyer vers la plateforme comme ceux des associations de fournisseurs d'accès.
La lutte contre la cybercriminalité doit reposer sur la coopération de tous les acteurs concernés.

La coopération, c'est d'abord l'auto-régulation d'Internet. L'évolution des techniques rend impossible une adaptation législative de tous les instants. La coopération de tous, professionnels et utilisateurs d'Internet, pour fixer les règles de déontologie d'Internet est la condition d'une action efficace.

J'y suis attachée, tout comme mes collègues en charge de la consommation, de l'industrie, de la famille ou de l'économie numérique, Luc Chatel, Nadine Morano et Eric Besson. La lutte contre la cybercriminalité concerne les consommateurs, les familles, les entrepreneurs, et plus largement tous les citoyens français que nous avons le devoir de protéger.

La coopération avec les Fournisseurs d'Accès Internet (FAI) a déjà porté ses premiers résultats. Depuis mon intervention du 14 février, nous avons travaillé avec les Fournisseurs d'accès à Internet sur la protection des plus faibles.

Nous ne pouvons tolérer cette exploitation sexuelle des enfants qu'est la cyber-pédopornographie. Nous nous sommes mis d'accord : l'accès aux sites à caractère pédopornographique sera bloqué en France.

D'autres démocraties l'ont fait. La France ne devait plus attendre. Je tiens à remercier particulièrement la Fédération Française des Télécommunications.

Il convient d'être très précis. Ce dispositif s'appuiera sur des mesures législatives que je prendrai dans la prochaine loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure à la rentrée. Je n'imposerai pas de solutions techniques. Les professionnels seront libres de choisir les logiciels qui correspondent à leurs installations. Nous travaillerons ensemble aux conditions techniques et financières. Il convient aussi de permettre aux utilisateurs de participer à cette réflexion. Le Forum des Droits sur Internet, par son collège des utilisateurs, me semble à même d'apporter sa contribution.

Ce dispositif sera simple : la plateforme, par le biais d'une liste noire, transmettra aux F.A.I. la liste des sites à bloquer. C'est donc l'Etat qui prendra la responsabilité d'informer du caractère pédopornographique d'un site internet en vue de son blocage.

Je tiens à rassurer chacun. Il ne s'agit pas de créer un "big brother" de l'Internet. Il n'a jamais été question de bloquer ou de filtrer tous les sites ; je suis très attachée à cette liberté fondamentale qu'est l'accès à Internet.

Ce dont j'ai la charge en tant que Ministre de l'Intérieur, c'est de protéger les enfants et leurs familles contre les pédophiles. Pour tout autre site illégal non hébergé en France, nous saisissons l'autorité judiciaire ou nous transmettons aux autres pays par Europol ou Interpol les informations dont nous disposons. La coopération avec les Fournisseurs d'Accès à Internet est un premier pas. Il faut continuer cette concertation.

Je sais aussi vos attentes d'une instance de concertation unique pour que l'Etat ne s'exprime que d'une seule voix, comme l'a proposé le Secrétaire d'Etat à l'économie numérique. J'y suis moi-même très attachée.

Je souhaite enfin que nous arrivions à un accord sur la sécurité des utilisateurs sur le Web. Ce ne doit pas être insurmontable.

M Jaspart qui préside la Mission lutte contre la cybercriminalité à mon ministère, tiendra la plume avec les associations représentatives des professionnels et le Forum des droits sur Internet, notamment le collège des utilisateurs.

La coopération internationale est ma deuxième priorité. Il serait illusoire de limiter la lutte contre la cybercriminalité au seul cadre national.

Nous devons travailler ensemble, même si beaucoup reste à faire pour construire la cybersécurité à l'échelle européenne. Chaque pays ayant sa propre législation, ses propres traditions juridiques et de libertés publiques, les moyens de lutte contre la cybercriminalité sont tous différents au sein de l'Union Européenne.

Un même site illicite sur Internet peut donner lieu à des enquêtes multiples, non coordonnées. Une fermeture dans un pays peut aboutir à son hébergement immédiat dans un autre pays. C'est une dépense d'énergie inutile et inefficace pour la protection de nos concitoyens.

Je souhaite profiter de la Présidence Française de l'Union Européenne pour renforcer notre action commune. J'agirai pour développer la mutualisation des savoir-faire et la centralisation des informations.

Une plateforme européenne de signalement des contenus illicites d'internet sera hébergée par Europol. Elle permettra la mise au jour d'une liste noire des sites à caractère pédopornographique ou d'incitation au terrorisme. Je travaillerai avec Interpol à l'accélération des procédures en mettant en place de conventions bilatérales d'échanges d'information.

Mesdames, Messieurs,

Cette journée sera, je l'espère, un commencement.

La construction d'une société de l'information nécessite des adaptations constantes pour faire de l'espace numérique un espace de confiance, de sécurité et de responsabilité.

Il vous reste maintenant à travailler et à débattre pour mieux améliorer la sécurité de nos concitoyens, et donc leur liberté.